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JEANNE D'ARC
ET
LES ORDRES MENDIANS

Jeanne d’Arc n’est pas seulement le type le plus achevé du patriotisme, elle est encore l’incarnation de notre pays dans ce qu’il a de meilleur. Il y a dans la physionomie de l’héroïne du XVe siècle des traits qui la rattachent à la France de tous les temps, l’entrain belliqueux, la grâce légère, la gaité primesautière, l’esprit mordant, l’ironie méprisante en face de la force, la pitié pour les petits, les faibles, les malheureux, la tendresse pour les vaincus. De tels dons appartiennent pour ainsi dire à notre tradition nationale, et la libératrice d’Orléans les a possédés à un si haut degré que cette face de son génie a frappé la plupart de ses historiens.

Mais il y a d’autres traits de la physionomie de Jeanne d’Arc, — non moins touchans, quoiqu’ils nous semblent aujourd’hui un peu étranges, — qui portent l’empreinte particulière et comme la marque, non-seulement de la France du XVe siècle, mais même des quatre ou cinq années, d’un caractère très original, qui ont précédé sa mission. Et ce que l’on remarque au premier abord, lorsqu’on l’étudié de ce point de vue, c’est l’influence prépondérante que les moines les plus populaires de la fin du moyen âge, les religieux mendians, paraissent avoir exercée sur la nature de sa dévotion et aussi, dans une certaine mesure, sur l’éveil de sa vocation patriotique. Nous croyons avoir comblé une lacune en recherchant curieusement les traces de cette influence, et nous offrons ici au public le résultat de nos recherches. Toutefois, le lecteur voudra bien ne pas se