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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/795

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La terre est aussi vieille, aussi dégénérée,
Elle branle une tête aussi désespérée,
Que lorsque Jean parut sur le sable des mers,
Et que la moribonde à sa parole sainte,
Tressaillant tout à coup comme une fomme enceinte,.
Sentit bondir ea elle un nouvel univers.\
Les jours sont revenus de Claude et de Tibère,
Mais l’espérance humaine est lasse d’être mère
Et, le sein tout meurtri d’avoir tant allaité,
Elle fait son repos de sa stérilité.


L’idée, ou, si vous aimez mieux le sentiment est formidable, le savez-vous, et mérite d’arrêter la rêverie de quiconque s’intéresse aux destinées de la pauvre race à qui la terre est assurée pour quelques milliers de siècles.

Quelques mois après Rolla éclatait cette aventure que nous indiquions il y a un instant comme ayant marqué le point culminant de la vie de Musset. Pour avoir le nom de cette aventure, on n’a qu’à se rappeler les controverses passionnées qui divisèrent le Paris lettré lorsqu’il y a une vingtaine d’années Mme Sand publia son roman d’Elle et Lui et que Paul de Musset y répondit par le roman de Lui et Elle. On conçoit que nous glissions sur cet épisode, quelque importance qu’il ait eue dans la destinée du poète ; eussions-nous la volonté de faire autrement, nous n’en aurions pas le pouvoir. Sauf quelques pages de Paul de Musset sur l’état moral du poète à la suite de cette aventure, nous n’avons pour en juger que des documens absolument littéraires, les premières Lettres d’un voyageur, Elle et Lui, Lui et Elle, la Confession d’un enfant du siècle, et l’on conviendra que ce sont là des documens trop altérés de poésie pour qu’on puisse asseoir une opinion sérieuse sur leur base. En dehors de ces documens trop poétiques, il n’existe que des récits légendaires qui ne méritent pas non plus entière confiance, n’étant très probablement que les reflets des versions des deux acteurs de ce drame intime, car l’aventure se passant hors de France n’a pas eu de témoin immédiat ; à moins donc que la correspondance échangée entre les deux amans, ne se retrouve quelque jour, nous en serons toujours réduits aux conjectures pour savoir quel fut le coupable véritable dans cette rupture si soudaine et qui eut, d’un côté au moins, de si douloureuses conséquences. S’il fallait donner notre impression à cet égard, nous dirions qu’il est probable que la culpabilité doit être partagée fort également. Une des erreurs les plus communes en amour est cette illusion qui porte l’un vers l’autre deux êtres dont les natures ne sont faites pour s’apparier en aucune façon. Comme cette illusion résulte d’ordinaire de l’attrait des contrastes, elle fait les passions extrêmement vives, et comme en même temps elle ne repose sur aucune affinité des natures, elle fait les