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sont le plus chers), on peut se représenter comment sont logés les habitans de ces 1,815 logemens. 26,262 étaient loués moyennant une somme de 100 à 200 francs et 6,192 moyennant une somme de 200 à 300 francs. Il n’y en avait que 972 dont le loyer fût supérieur à 300 francs, les autres logemens étant occupés à titre gratuit (loges de concierge, etc.). Ce sont là des chiffres qu’il faudra se rappeler tout à l’heure lorsque nous parlerons des constructions qu’on élève pour offrir un abri aux indigens. Sur ces 46,845 locaux, 24,633, c’est-à-dire plus de la moitié, ne se composaient que d’une seule pièce, et 17,234 de deux pièces, dont l’une n’est presque toujours qu’une petite cuisine ; 3,000 étaient entièrement dépourvus d’aucun appareil de chauffage, cheminée ou poêle ; 5,144 n’étaient éclairés que par une tabatière, et 1,512 ne prenaient jour que sur un palier ou un corridor. Voilà pour le confortable et la salubrité. Quant au nombre de lits par pièce, 11,505 en contenaient deux, 5, 910 en contenaient trois, 1,049 en contenaient quatre, 82 en contenaient cinq. Combien de personnes couchaient dans chaque lit ? On comprend que, sur une question de cette nature, la statistique soit muette. Mais ceux qui ont visité les logemens des pauvres savent que, quel que soit l’âge, le sexe, les relations de famille, c’est une moyenne de deux à trois personnes par lit. Voilà pour la moralité. Quant à l’aspect intérieur que présentent la plupart de ces logemens, au désordre et à la saleté qui y règnent, je n’en ai que trop parlé. Cependant, de peur d’être taxé d’exagération, je citerai ici un fragment d’un travail sur les logemens insalubres, lu à l’Académie de médecine par un homme qui porte un nom deux fois connu dans la science médicale et dans la bienfaisance, le docteur Marjolin. Comme président de la Société protectrice de l’enfance, le docteur Marjolin a visité seize cents de ces logemens. On verra si le témoignage de son expérience charitable confirme mes investigations rapides.

« Pour avoir une idée réelle de la malpropreté révoltante et de la dégradation de certains logemens, il faut, dit le docteur Marjolin, y pénétrer au moment où ils viennent d’être abandonnés par un de ces locataires pouvant à peine donner pour son gîte 1 fr. 25 par semaine. Trop souvent le nouvel occupant, non moins misérable que son devancier, trouve en entrant les vitres brisées remplacées par du papier. Quant à la cheminée ou au fourneau, souvent encore il n’en reste que des débris. Le carrelage est défoncé, jonché d’ordures et de débris de toute sorte. Pour ce qui est du papier, personne ne pourrait dire à quelle époque il remonte, tant il est sale et déchiré, et s’il est difficile d’en indiquer la couleur, il est aisé de voir par les mouchetures dont il est couvert que chaque