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semblable à celui qui est situé à droite et à gauche, en dessus et en dessous. Il lui semble qu’il y est parqué, surveillé, que son indépendance, sa dignité en souffre. Il faut aller plus loin et dire que même l’habitation isolée dont il se sent peu à peu devenir propriétaire, si chère à l’ouvrier mulhousien, n’a que peu d’attraits pour l’ouvrier de Paris. Pour lui, se lier par un contrat à demeurer vingt ans sous le même toit, à travailler dans la même fabrique, à enfouir toutes ses économies dans un même sol, c’est se river de nouveau à la glèbe, c’est couper les ailes à son espérance, c’est renoncer à ces rêves de fortune et de grandeur qui hantent toujours son imagination. « Il ne veut pas, dit excellemment M. Corbon dans son livre sur le Secret du peuple de Paris, il ne veut pas bâtir sa maison comme on le lui conseille et sur le terrain qu’on lui propose d’acquérir. Il préfère camper sous la tente, comme s’il entrevoyait dans le lointain l’objet de ses ardentes aspirations, la cité radieuse où règne son idéal de justice. »

D’ailleurs, toutes ces combinaisons, telles qu’elles ont été conçues jusqu’à présent, sont-elles bien de nature à venir en aide à l’indigent proprement dit ? Lorsqu’on se rappelle que sur 46,000 locaux occupés par des indigens, il n’y en a que 7,000 dont les locataires soient en état de payer plus de 200 francs, on se demande de quelle utilité peuvent être pour le véritable indigent des maisons où on lui offre des appartemens qui atteignent à près de 800, Ceux qui se consacrent à l’œuvre tout à fait méritoire et digne d’encouragé-mens de créer des cités ouvrières doivent se rendre bien compte que, s’ils veulent venir en aide non pas seulement aux ouvriers aisés, mais aux pauvres, il faut qu’ils se résignent à tirer de leur argent un intérêt extrêmement peu rémunérateur. Ce n’est pas à 4 pour 100, comme la société civile de Passy-Auteuil, mais à 2 pour 100 au plus qu’il faudrait limiter les bénéfices de l’entreprise. Aussi toute œuvre ayant pour but de créer des logemens pour les indigens proprement dits doit-elle forcément, à Paris du moins, rentrer en partie dans le domaine, de la charité. Je sais qu’aujourd’hui ce mot, qui pourtant ne signifie qu’une seule chose, l’amour, sonne mal à certaines oreilles, mais il faut reconnaître qu’il y a certains problèmes dont on poursuivra vainement la solution en dehors du dévoûment et du sacrifice que la charité comporte. En matière d’habitations ouvrières, entre autres, toute entreprise qui aura eu pour mobile unique un objet de spéculation, cette spéculation fût-elle parfaitement légitime, est fatalement vouée à l’insuccès. Je citerai en terminant un exemple bien frappant de cette vérité.

Il y a quelques années, le propriétaire d’un vaste terrain situé dans le XIIIe arrondissement, entre la rue Nationale et la rue