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I

Lorsque le 5 mai 1780, les états-généraux se réunirent, il n’y avait peut-être pas une seule des institutions de l’ancien régime qui n’appelât de profondes réformes. Les finances, l’administration, l’armée, les parlemens, la noblesse, le clergé, les corporations, les jurandes et les maîtrises, toutes ces fondations, vieilles de plusieurs siècles, branlaient à crouler. Même, à considérer l’ardeur des esprits et le grand mouvement d’idées devant lequel la royauté venait de capituler, c’était miracle qu’elles fussent encore debout. L’ancienne organisation des études ne pouvait échapper au sort commun ; elle aussi devait se transformer sous peine d’être brisée. Depuis un demi-siècle, l’agitation provoquée par les encyclopédistes et les parlementaires d’une part, l’attraction exercée, de l’autre, par les doctrines et les écrits de Locke, de Condillac, de Rousseau surtout, avaient, on peut le dire, gagné toutes les classes. Lisez le « résumé des cahiers et pouvoirs remis par les bailliages et les sénéchaussées à leurs députés aux états-généraux, » et vous y rencontrerez partout l’expression du même vœu, l’idée de la nécessité d’un nouveau système d’études et d’éducation. Vous les trouverez même, chose étrange, plus énergiquement accentuées dans les cahiers du clergé et de la noblesse que dans ceux du tiers.

« Il n’est peut-être pas d’objet (l’instruction) qui mérite une attention plus sérieuse de la part de l’assemblée nationale, » est-il écrit dans les cahiers du clergé de Bar-sur-Seine… » C’est du sein des lumières réunies aux états-généraux que doit sortir le plan si universellement, désiré d’une éducation salutaire et générale. »

Ceux de Rodez et de Saumur demandent « qu’il soit fait un plan d’éducation nationale pour la jeunesse ! » ceux de Lyon, « que l’éducation publique soit prise en considération et qu’on travaille sérieusement à la réformer ; que pour y parvenir elle soit confiée à un corps enseignant dont les membres soient amovibles pour cause de négligence, d’inconduite ou d’incapacité ; qu’elle ne soit plus dirigée d’après des principes arbitraires et, que tous les instituteurs publics soient tenus de se conformer à un plan uniforme approuvé par les états-généraux. »

Les cahiers de la noblesse sont plus explicites encore : « L’assemblée générale portera souvent son attention sur les établissemens d’éducation publique qui manquent absolument dans plusieurs parties du royaume. Ces fondations presque toutes anciennes, ont conservé la routine des siècles passés. Il serait temps de les faire participer aux lumières acquises, de leur donner un régime plus propre à former des citoyens de tous états, et surtout de