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plus illustres maîtres, la méthode ; « ou l’art de diriger l’esprit dans tous les objets de nos études. »

Enfin, au-dessus du lycée, l’Académie nationale, puissante synthèse de toutes les académies du royaume, sans en excepter la française. Elle comprendra trois sections : philosophie, lettres et sciences. Quant aux beaux-arts, ils formeront une compagnie spéciale.

Telles sont les grandes lignes du « Travail sur l’éducation publique. » Il y a bien des lacunes encore et des parties faibles dans cette ébauche. La question capitale du recrutement du corps enseignant n’y est pas même touchée ; celle des réformes à introduire dans les collèges et les universités à peine indiquée. À la différence des parlementaires et des philosophes, Mirabeau pécherait plutôt à cet égard par une sorte d’optimisme. Il était grand partisan des humanités. Loin de les affaiblir, il eût voulu les fortifier par une étude plus approfondie du grec, dont il admirait fort « le mécanisme si parfaitement analytique, » et son programme ne diffère guère de l’ancien, si ce n’est par la durée des cours, qu’il abrège un peu. Il ne leur consacre que six années au lieu de sept ; deux pour les langues anciennes, deux pour l’éloquence et la poésie, et deux pour les sciences et la philosophie. Mais on ne voit pas qu’il ait été frappé de la nécessité de faire une plus large place à certaines branches d’étude, notamment à l’histoire, qu’il tenait en assez mince estime. Il trouvait « qu’on en avait beaucoup trop attendu, que l’instruction qu’on en retire était plus bornée qu’on ne pensait, et qu’on y profitait bien peu dans la seule connaissance qui pût lui donner un grand intérêt, celle de l’homme et des sociétés. »

Que penser aussi de l’idée de confier aux administrations départementales la surveillance de l’enseignement et la nomination des maîtres ? Même sous le contrôle d’un comité d’éducation nommé par le corps législatif et choisi parmi ses membres, donner un tel pouvoir à des magistrats élus, c’était livrer l’enseignement à tous les caprices et à toutes les fluctuations de l’opinion publique, aux tyrannies locales, en un mot à l’anarchie. L’homme de gouvernement et d’autorité disparaît ici ; nous sommes déjà dans la pure doctrine révolutionnaire.

Tel qu’il est, pourtant, ce projet ne laisse pas d’avoir une réelle valeur. Incomplet ou dangereux sur certains points, il avait du moins l’avantage de ne pas trop bouleverser l’ancienne organisation les études. On lui a reproché sa timidité ; nous lui en ferions plutôt un mérite. La France de 1791 avait apparemment mieux à faire que de décréter l’obligation et la gratuité. L’obligation ? l’idée n’en était pas encore entrée dans les mœurs, La gratuité, elle existait dans des proportions qui ne laissaient rien à désirer. Et vraiment, c’est commettre un singulier anachronisme que de transporter au siècle