Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/898

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hectolitres de vin foxé. On dit qu’il existe aussi des plants américains chez M. André Leroy, à Angers, et actuellement au Jardin d’acclimatation, dans l’ancienne collection du Luxembourg. Ma conviction est que toutes ces vignes américaines venues en France avant la grande invasion ont lentement répandu l’insecte autour d’elles, — que les importations devenues plus nombreuses après 1868, lors de la recherche de vignes résistantes à l’oïdium, ont aggravé l’invasion, — et qu’enfin les millions de boutures et d’enracinés importés dernièrement ont consommé un désastre contre lequel il n’y a plus à lutter, mais avec lequel il faut vivre.

Non-seulement M. Lalliman nie l’origine américaine de l’insecte, mais il va plus loin encore ; selon lui, ce serait la France qui aurait donné le phylloxéra à l’Amérique au lieu de l’en avoir reçu. Je crois, avec M. Riley, à l’origine américaine de l’insecte. Ce state entomologist juge sévèrement les idées de M. Lalliman. Dans une lettre qu’il adressait, le 12 février dernier, à M. Morlot de Fayl-Billot, M. Riley dit que la question du polymorphisme est un cas parfaitement établi, excepté pour un incrédule comme M. Lalliman. Ce que je sais, c’est que les théories de ce dernier sur l’origine du phylloxéra sont dangereuses pour la viticulture américaine, en ce qu’elles remettent en question des articles de foi à peine acceptés, et cela sans mettre de certitudes à leur place. C’est effrayée par ce danger que je sors à regret des généralités courtoises pour poser nettement la question entre M. Riley et M. Lalliman, et me ranger carrément du côté de M. Riley, savant impartial et profondément observateur.

M. Bourgade cite dans son rapport au comice agricole de Béziers deux faits fort concluans notés par lui en Amérique en i 872, et qui invalident les théories de M. Lalliman. Cet intelligent voyageur a vu des pépiniéristes emballer des plants et selon un ancien usage établi (au dire des pépiniéristes eux-mêmes) de père en fils, enlever soigneusement les nodosités phylloxériques dont les racines étaient couvertes. Il parle aussi de galles phylloxériques sur des plants du Texas placés depuis 1852 dans l’herbier d’Engelmann. En fin de compte, les recherches sur l’origine du phylloxéra en France n’auraient un intérêt pratique que si les victimes de l’importation pouvaient rapatrier l’insecte. Comme c’est impossible, oublions ces discussions oiseuses ou amères pour travailler au vrai et au bien : concentrons nos efforts vers un but utile, celui de vivre avec un ennemi que nous ne pouvons détruire. Qu’un échange vraiment fraternel d’observations fasse avancer la nouvelle science viticole vers le seul terme à chercher, vers la création de vignes résistantes et prochainement fertiles. C’est dans cet esprit que j’apporte