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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/910

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LA
DELICATESSE DANS L'ART

En France, depuis un demi-siècle, l’art, renonçant de plus en plus aux idéales fictions, s’est épris de la réalité et semble avoir aujourd’hui pour principal souci de la décrire avec une minutieuse exactitude et une liberté croissante. Dans cette sorte de peinture, il a passé graduellement du noble au familier, puis au vulgaire, au grossier, à l’ignoble, et finira bientôt, on peut l’espérer, par s’arrêter devant l’inexprimable. Cet amour de la réalité, qui nous choque aujourd’hui par ses licences, n’était pas condamnable à l’origine. En 1830, par une juste réaction contre une littérature épuisée qui n’avait plus de forme précise, qui n’osait rien peindre, rien nommer, et qui s’était évanouie dans les inanités de la périphrase, l’art se piqua tout à coup de revenir à la précision de la vérité historique, de trouver la couleur locale, de montrer les hommes dans leur appareil extérieur, dans leur costume, et les plaisanteries, aujourd’hui attardées, sur les pourpoints de velours et les lames de Tolède sont encore les témoignages de ce goût alors nouveau. C’était comme un premier pas timide vers la réalité. Mais bientôt on trouva qu’il y avait encore trop de fiction dans ces peintures du passé et on se plut à représenter la réalité contemporaine, à reproduire les scènes du jour, à décrire ce que nous avons sous les yeux ; ce fut l’effort de l’école qui s’appela elle-même réaliste. Enfin, par un nouveau progrès, on pensa que, si la réalité est le vrai domaine de l’art, il était juste de ne pas oublier les objets et