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IDEES SUR LE ROMANTISME
ET
LES ROMANTIQUES

ALFRED DE VIGNY.

Il plaît aujourd’hui à certains esprits de maltraiter le romantisme, et le moment où le cinquantenaire d’Hernani mène sa fête leur semble bon pour venir nous démontrer que cette période, dont, après un demi-siècle, vingt chefs-d’œuvre sont restés debout, fut une période d’avortement. On reproche au romantisme de n’avoir pas rempli tout son programme ; quel mouvement, soit historique, soit littéraire, — fût-ce même la renaissance, — a jamais rempli tout son programme ? Il reste toujours quelque chose à faire. En conclurons-nous que rien n’a été fait et soutiendrons-nous ce paradoxe au nez de gens qui passent leur vie à lire Mérimée, Dumas, George Sand, Vigny, Musset, et gardent au théâtre leur plus vigoureux enthousiasme pour les drames de Victor Hugo ? On nous cite le jugement de Sainte-Beuve, qui n’eut jamais que des sympathies et des antipathies subjectives et se détacha « du tronc romantique, » c’est l’expression même dont il se sert, pour obéir plus librement à des animosités personnelles. Mais il ne s’agit là que d’une opinion, et le témoignage d’un seul, si recommandable qu’il soit, ne saurait prévaloir. Si le romantisme ne réalisa point toutes ses promesses, cela tient à des raisons qu’il faut