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des lignes et par la richesse de décorations. Sur sa base, revêtue en partie de marbre blanc et en partie de carreaux de faïence émaillée du XVIe siècle, s’élève un tambour circulaire qui porte une coupole légèrement étranglée. Ce rétrécissement, à peine sensible, rend encore le monument plus svelte. Il faut se rapprocher, il faut même pénétrer dans la mosquée pour en apprécier les proportions majestueuses. A l’extérieur, on en admire l’enveloppe brillante et les contours délicieux ; mais à l’intérieur, on se sent écrasé sous son immense voûte ; la sensation de vague éblouissement qu’on éprouve, dans cette rotonde gigantesque, surchargée d’or et de mosaïques, qu’éclaire la lumière mystérieuse des vitraux, répond bien à la pensée qui a fait élever ce temple à la divinité inaccessible dont l’homme saisit l’unité, mais ne saurait atteindre aucun autre attribut.

La mosquée d’Omar est l’œuvre d’Ibn-Merouan et non celle d’Omar, comme son nom semble l’indiquer. Elle a été souvent restaurée et remaniée ; sa décoration extérieure date du XVIe siècle ; ses mosaïques intérieures ont été refaites, il y a peu d’années, par des ouvriers arméniens. Elle est donc absolument intacte et ne présente pas cet aspect ruiné qui désole dans les mosquées d’Égypte. Quelques débris du délicieux vêtement de faïence dont elle est enveloppée ont seuls été, détachés par des mains trop avides. A part cela, sa conservation est parfaite. Ce serait assurément exagérer beaucoup que de la mettre sur le même pied que les merveilleuses mosquées du Caire, que la mosquée du sultan Hassan par exemple, le type le plus accompli de l’art arabe ; mais elle vient immédiatement au-dessous des chefs-d’œuvre de premier ordre. Sa forme octogonale a été déterminée par la nécessité d’encadrer le rocher sacré autour duquel elle a été bâtie. Omar prenait ce rocher pour la pierre sur laquelle Jacob avait reposé sa tête lorsqu’il eut la vision de l’échelle mystérieuse, erreur qu’il eût évitée s’il se fût rappelé que la vision avait eu lieu à Béthel et non à Jérusalem. La tradition veut que ce soit l’emplacement où Abraham plaça le bûcher sur lequel il devait immoler son fils Isaac. Plus tard on y éleva l’autel de David, et, quand Salomon construisit le temple, c’est là que fut déposée l’arche d’alliance. Ce rocher était donc pour les Juifs le saint des saints, le sakhrah, le centre du sanctuaire. Les musulmans ne le vénèrent pas beaucoup moins que ne le faisaient les Juifs. Il occupe le milieu de la mosquée et, pour éviter que les profanes ne le souillent en le touchant de leurs pieds, on l’a entouré d’une balustrade en bois artistement faite. Si disposé que l’on soit à la vénération, il est difficile d’admirer beaucoup cette grande et grosse pierre, dont la surface est presque partout inégale et