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avec le mont des Oliviers, lequel lui sert de seconde culée ; les fidèles devront y passer le jour du jugement dernier pour arriver au paradis. Nul n’ignore qu’il est plus fin que le tranchant d’un rasoir et que toute personne chargée de péchés y trébuchera infailliblement. On peu plus loin s’élève la Porte-Dorée, un des plus beaux spécimens de l’art hérodien. D’après la tradition musulmane, le vainqueur chrétien qui chassera un jour l’islamisme de Jérusalem entrera dans la ville par la Porte-Dorée. Aussi l’a-t-on soigneusement fermée pour éviter une surprise ; mais, par bonheur, on n’a point gâté ce monument remarquable, qu’on peut étudier et admirer à loisir. Deux énormes colonnes monolithes en pierre du pays le divisent en deux nefs : l’une est appelée Bab-el-Thophet (la porte du repentir), l’autre, Bab-el-Bahhmet (la porte de la miséricorde). Les deux colonnes sont un cadeau fait à Salomon par Nicaulis, reine de l’Égypte et de l’Ethiopie. La reine se proposait de lui en offrir un plus grand nombre, mais comme elle tenait à les transporter sur ses propres épaules, elle finit par se lasser d’un exercice aussi fatigant, même pour une Éthiopienne. Les parois des deux nefs sont ornées de pilastres au haut desquels court une frise richement sculptée. Si l’on veut visiter tous les monumens du mont Moriah, on doit s’arrêter encore au Kursi-Soleiman, siège ou trône de Salomon, où, d’après les musulmans, le saint roi fut trouvé mort. Après quoi, on en est quitte avec les débris du passé, et l’on a le droit de se livrer sans scrupule aux réflexions qu’inspirent les plus grands souvenirs peut-être de l’histoire de l’humanité.

Chaque voyageur, touriste ou pèlerin, éprouve des sentimens trop particuliers en présence des ruines du temple de Jérusalem pour qu’il soit possible d’indiquer l’impression générale qu’elles doivent provoquer dans les âmes. Quant à moi, je l’avoue, ce qui me préoccupait en parcourant le mont sacré où les Hébreux et les Arabes ont tour à tour élevé d’imposantes constructions au culte monothéiste, c’est la question de savoir si l’idée d’un Dieu unique, solitaire, inaccessible, répond, autant que nous sommes tentés de le croire, aux conceptions de notre esprit et aux aspirations de nos cœurs. Lorsque nous jetons un regard attentif sur le monde, pour chercher à débrouiller le mystère des choses, nous rencontrons à l’origine des phénomènes moraux et matériels, non une seule cause qui les expliquerait tous, mais une série de causes diverses, multiples, compliquées, dont le jeu est aussi varié qu’incessant. On peut imaginer des simplifications successives qui aboutiraient peu à peu à réduire les formules, les unes dans les autres jusqu’à ce qu’on atteignît une formule générale dans laquelle elles seraient toutes comprises ; mais c’est là une pure rêverie que la réalité n’a