Garcia s’en empara, mais, trompé par les indiscrétions calculées du commandant chilien, il crut que les deux navires qu’il cherchait avaient tous deux franchi le détroit, et il se mit à leur poursuite. Le but de l’expédition était manqué, mais l’occupation de Punta-Arenas, l’audace dont avait fait preuve le commandant Garcia en pénétrant impunément dans le détroit et en éludant la surveillance des croiseurs chiliens, la capture du Rimac et des soldats qu’il avait à bord, la divulgation des dépêches du cabinet de Santiago, avaient surexcité et alarmé l’opinion publique au Chili. On se sentait en présence d’adversaires actifs, résolus, dont les coups portaient juste et qui infligeaient des échecs répétés. On reprochait au gouvernement de ne pas imprimer aux opérations navales une direction plus énergique. Sans doute le Chili n’avait subi sur aucun point une défaite importante, mais une série d’insuccès et de contre-temps ne laissait pas que d’éveiller l’inquiétude et de blesser le patriotisme.
On crut, au Pérou, que ces symptômes de mécontentement aboutiraient à une insurrection et au renversement du président. Il n’en fut rien. Le gouvernement chilien, s’inspirant des vœux de l’opinion publique et prenant conseil des événemens, modifia ses plans de campagne. Le blocus d’Iquique fut levé, les navires rappelés à Valparaiso furent réparés et ravitaillés. L’amiral Williams Rebolledo, fatigué et malade, fut remplacé par don Riberos, capitaine de vaisseau, déjà âgé, mais plein d’énergie et de résolution. Il prit le commandement de l’une des frégates cuirassées, le Blanco Encalad&, confia celui du Cochrane à don José La Torre, qui venait de faire ses preuves en disputant et arrachant au Huascar sa prise en vue d’Iquique, et se prépara à entreprendre, de concert avec lui, une campagne énergique contre le Huascar.
Ce dernier poursuivait le cours de ses succès. Le 7 août, il se présentait inopinément devant le port chilien de Taltal, qu’il bombardait. Échappant à toute poursuite, il reparaissait brusquement à Antofagasta, où se trouvaient la canonnière chilienne Magallanes et l’Abtao. Antofagasta essuyait un nouveau bombardement, l’Abtao subissait de sérieuses avaries, mais un boulet de 300 traversait la cheminée du monitor péruvien, éclatait sur son pont et lui tuait plusieurs hommes.
Le 1er octobre, l’escadre chilienne prenait la mer sous le commandement de don Riberos, décidé à en finir avec le Huascar et à tout tenter pour obtenir cet important résultat. Outre le Blanco Encalada et le Cochrane, il avait sous ses ordres la corvette O’Higgins et la goélette Covadonga. L’escadre se dirigea sur Arica ; le Huascar n’y était plus, mais l’amiral chilien apprit par des pêcheurs que l’Union avait rejoint l’amiral Grau et que les deux bâtimens