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Toutefois, M. Surell reconnaissait que les embouchures, même améliorées, ne seraient jamais un passage toujours sûr et facile ; qu’il y aurait peut-être, après certaines tempêtes, des ensablemens passagers, qu’il était même impossible de préciser quelle serait après les travaux la profondeur acquise sur la passe. On pouvait toujours craindre que par les mauvaises mers les navires n’eussent à lutter à l’entrée contre le courant littoral, contre celui du fleuve et surtout contre les vents et les brisans. L’abaissement de la barre devait sans doute diminuer ces difficultés dans une très forte proportion, mais on ne pouvait espérer qu’elle les ferait disparaître d’une manière complète.

Un canal latéral, au contraire, s’ouvrant dans un golfe comme celui de Fos qui présente par sa position abritée une rade très sûre pour les navires, rendrait l’accès du fleuve toujours praticable. Mais, d’autre part, il était fort probable que, lorsque le temps le permettrait, la plupart des navires préféreraient entrer et sortir par la porte naturelle du fleuve, affranchie de la sujétion d’une écluse, et on pouvait regarder comme à peu près évident que, par les vents du nord et du nord-ouest qui balaient toute la vallée du Rhône pendant la majeure partie de l’année, les tartanes d’Arles et une grande partie de la batellerie, si elle était aménagée de manière à pouvoir supporter les mers moyennes, trouverait avantage à descendre directement à la mer en se laissant aller au cours du fleuve.

Les deux solutions prises ensemble se complétaient donc l’une par l’autre. Les embouchures paraissaient devoir être dans la plupart des cas la route de la sortie, le canal celle de l’entrée ; et cette double porte ouverte au Rhône sur la mer devait résoudre de la manière la plus heureuse et la plus complète la question sans cesse renaissante de l’accès du fleuve à la navigation maritime.

Le conseil-général des ponts et chaussées examina en 1849 les propositions de M. Surell ; mais il n’adopta que l’une des deux solutions, celle de l’endiguement. L’éminent ingénieur n’évaluait la dépense qu’à 3 millions en y adjoignant une somme annuelle de 30,000 francs pour le prolongement des digues. Un décret du 15 juin 1852 alloua seulement une somme de 1,500,000 francs. Jamais économie ne fut plus mal entendue. Les travaux exécutés de 1852 à 1857 présentaient de sérieuses difficultés, qui furent surmontées avec une rare énergie. Les chantiers étaient en effet installés sur les plages les plus extrêmes de delta, dans une contrée déserte, inculte, fiévreuse et privée de tous moyens de communication. Malgré ces conditions déplorables, on avait en peu de temps dépensé utilement un million, et les plus heureux résultats se faisaient déjà sentir. La profondeur de la passe augmentait à vue d’œil à mesure de l’avancement