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la nuit le convoi qu’il escorterait, et la majeure par de des navires protégés est toujours exposée à être coulée avant que l’agresseur soit inquiété lui-même par un retour offensif. La supériorité est donc nécessairement à l’attaque ; et il restera toujours au navire assaillant, après qu’il aura accompli son œuvre de destruction, la chance d’offrir le combat s’il est moins bon marcheur que le convoyeur, la certitude d’échapper à ses coups si sa marche est plus rapide. Il est donc absolument impossible, en temps de guerre, de protéger efficacement nos navires de commerce ; et, sauf des circonstances tout à fait particulières, ils doivent renoncer à tenir la mer.

Mais le séjour du port lui-même est loin d’offrir dans la plupart des cas une sécurité parfaite. Quels que soient les progrès de la défense, quelque nombreuses et redoutables que puissent être les torpilles semées au-devant de nos ports, il est impossible d’affirmer qu’un cuirassé ne parviendra pas à se glisser à la faveur de la nuit dans une rade ouverte comme celle de Marseille, à jeter immédiatement sur tout le matériel flottant dans les bassins ou emmagasiné dans les docks un nombre considérable de projectiles incendiaires et à se retirer à la hâte et sans coup férir, quitte à sacrifier lui-même son existence et la vie de son équipage dans un de ces élans d’héroïsme sauvage dont les hommes de mer nous ont donné de si mémorables exemples.

Il est donc indispensable de créer un abri non-seulement à l’immense matériel de notre flotte marchande, mais encore aux navires isolés de nos escadres qu’une brusque déclaration de guerre viendrait surprendre dans nos ports de la Méditerranée. Cet abri ne peut être que l’étang de Berre. Des flottes entières pourraient y mouiller en toute sécurité hors de l’atteinte, mieux encore hors de la vue de l’ennemi ; car la chaîne de l’Estaque se dresse comme un rideau protecteur entre la mer et l’étang, et met le port de refuge à couvert des projectiles à longue portée.

Dans très peu de temps, cette mer intérieure sera complètement entourée par une ceinture de chemins de fer ; La ligne de Lyon à la Méditerranée la longe déjà à l’est ; au sud se déroule le railway de Martigues à la station de Pas-des-Lanciers qui précède le souterrain de la Nerthe. Un embranchement de port de Bouc à Miramas complétera bientôt le cercle.

Bien que très arides, les rives de l’étang sont en pleine voie de transformation agricole. Depuis quelques années, la partie qui s’étend du nord à l’est est desservie par des dérivations des canaux de Craponne et des Alpines ; et, dans ces derniers temps, de nouveaux canaux ont été ouverts pour conduire les eaux-douces de la Durance jusqu’à Bouc et à Martigues sur toute la côte occidentale