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membre de la convention, venu tout exprès de Paris, qui la haranguait « à l’ombre d’une statue colossale de la Liberté. » Quelquefois l’action remplaçait la parole. L’école était admise à parader dans les fêtes nationales ; elle y paraissait dans le costume ridicule imaginé pour elle par David et elle y jouait sa partie.

Au 10 août, on lui fit attaquer à la baïonnette et à grand fracas d’artillerie une redoute dont les défenseurs semblaient obéir à plusieurs mannequins éclatans d’oripeaux qui représentaient le pape, l’empereur d’Autriche, le roi de Prusse, le roi d’Angleterre, le roi d’Espagne, Pitt et Cobourg.

C’est par de tels hauts faits que les élèves de l’école révolutionnaire de Mars préludaient à leurs futurs exploits, « prouesses puériles, a dit un témoin oculaire, et que la convention, qui les ratifiait, ne rougissait pas de consigner dans les feuilles officielles. »

À la fin cependant, l’inutilité, le danger même de l’institution apparut à tous les yeux : les plus obstinés se rendirent. Mais il n’y fallut pas moins que le 9 thermidor. Dans cette fameuse journée, l’école avait été singulièrement hésitante ; appelée en toute hâte à Paris pour défendre l’assemblée, il s’en était fallu de bien peu qu’elle ne tournât du côté d’Hanriot. La convention ne lui pardonna pas ce crime. Elle avait eu peur : elle fut implacable. Le 2 brumaire an m, un décret prononçait la dissolution de « cette armée de séides réunie pour servir le tyran qui venait d’être anéanti. » L’expérience n’avait pas duré six mois ! Pas une voix pourtant ne s’éleva pour en demander la prolongation.

L’École polytechnique. — Il n’existait sous l’ancien régime aucun établissement d’éducation commun aux divers corps d’ingénieurs. Ces corps se recrutaient au moyen de plusieurs écoles spéciales telles que l’école du génie militaire, l’école d’artillerie, l’école des ponts et chaussées, l’école des mines, etc. Mais les cours établis dans ces maisons avaient un caractère absolument technique, et si les jeunes gens qui les suivaient en sortaient avec des connaissances spéciales suffisantes, ils n’en emportaient le plus souvent qu’un bagage scientifique assez léger. En général, aucune règle, aucune condition d’âge ni d’examen ne leur était imposée ; on était admis et l’on se maintenait par la faveur seule. Bref, l’organisation, aussi bien que l’enseignement de ces écoles, avait toujours été fort défectueuse[1].

  1. Excepté cependant l’école du génie militaire. Fondée à Mézières en 1748, cette école jouissait d’une grande et légitime réputation. Elle ne comptait que vingt élèves, tous nobles et se renouvelant chaque année par moitié, mais on n’y entrait qu’après avoir subi devant un membre de l’Académie des sciences un examen fort sérieux et a la méthode d’instruction qu’on y suivait était, malgré quelques imperfections, — c’est Fourcroy qui parle, — la meilleure que l’on eût dans ce genre. » Monge y avait longtemps professé la géométrie descriptive.