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trouve une énumération de plantes recueillies à Fontainebleau, qui y mentionne la découverte d’espèces telles que : Helianthemum umbellatum, H. Fumana, Asperula tinctoria, etc., retrouvées pendant le dernière session, et même du Sorbus latifolia qui, en 1698, était encore inconnu à Tournefort. Nous sommes donc, pour cette partie de notre flore, en possession de documens datant de plus de deux cents ans. La tradition, après Tournefort, s’est perpétuée par Sébastien Vaillant, par Antoine et Bernard de Jussieu, qui conduisirent Linné à Fontainebleau en 17S8[1], et par leurs successeurs illustres, jusqu’à Adrien de Jussieu et à ses élèves, c’est-à-dire aux auteurs de la Flore des environs de Paris, dont l’un, M. E. Cosson, avait été choisi pour président de la session.

Les modifications dont nous allons parler sont donc de celles qu’il est le plus facile de constater dans une flore si bien connue. Ces modifications sont dues soit au retrait, soit à l’arrivée de certaines espèces. Il en est, en effet, qui de nos jours disparaissent encore de notre flore comme elles l’ont fait dans les époques géologiques. De même que le grand cerf d’Irlande s’est éteint il y a seulement quelques siècles, de même la culture du figuier, célébrée aux environs de Paris par Julien l’Apostat, et celle de la vigne, attestée en Angleterre par plusieurs chartes de l’époque de la conquête normande, ont notablement reculé vers le Midi, sous l’influence d’un refroidissement lent de notre climat. Ce refroidissement n’est pas graduel, on le sait ; il ne procède pas d’une année à l’autre par une série d’abaissemens de l’échelle thermométrique, et il est compatible avec des étés exceptionnellement brûlans, comme celui-ci ; mais de temps à autre un hiver meurtrier vient anéantir certaines cultures et certaines espèces, de même qu’une suite d’automnes exceptionnellement tempérés empêche la maturation de certains fruits et la propagation des essences qui les portent. L’hiver de 1564, celui de 1709, celui de 1788, celui de 1879-80, ont été désastreux. Les ravages du dernier d’entre eux, qui ont passé à l’état de calamité publique, ont été étudiés spécialement, pour la forêt de Fontainebleau, par M. Croizette-Desnoyers, sous-inspecteur des forêts, pour le Vendômois, par M. Nouel, professeur de physique au lycée de Vendôme, et à un point de vue plus général dans un rapport officiel adressé au ministre de l’agriculture, par M. Prillieux, professeur à l’Institut agronomique[2]. On y trouve le sujet le plus intéressant de méditation en considérant tant les localités que les essences le plus profondément frappées. Il existe sur la répartition

  1. Epistolœ Caroli à Linné, etc. (Acta Acad. Artium et scientiarum americanarum, ser. nova, t. V. p. 188.)
  2. Voyez le Journal officiel du 19 décembre 1880.