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REVUE LITTERAIRE

THEORIE DU LIEU-COMMUN

Dictionnaire des Lieux-communs, par M. Lucien Rigaud ; Paris, 1881, Ollendorff.

Le titre est heureux et piquant, le livre l’est moins : d’abord, parce que le contenu n’y répond pas assez exactement au titre, et puis, parce que l’auteur y a voulu mettre trop d’esprit. C’est qu’il n’est pas si facile, en effet, de trouver une bonne plaisanterie. Un bon moyen de ne pas l’attraper est peut-être de courir après elle. Mais surtout, la chute est trop aisée de la plaisanterie dans la drôlerie, de la drôlerie dans la calembredaine et de la calembredaine dans la grossièreté. Nous n’appellerons pourtant pas ce Dictionnaire des lieux-communs en exemple. L’auteur est mort, il y a quinze jours ou trois semaines, et nous lui devons ce témoignage de courtoisie de ne pas mettre inutilement en lumière les défauts d’un livre qu’il ne corrigera plus. Mais il y avait une idée sous ce titre qu’il avait choisi. Servons-nous donc de son livre comme d’un prétexte encore plus que comme d’une occasion, et tâchons d’en dégager ce qu’on nous permettra d’appeler, quoique ambitieusement, la théorie du lieu-commun. On verra peut-être qu’elle touche à plus de points, et plus intéressans, de la philosophie de l’art, que l’on ne croirait d’abord.

Qu’est-ce qu’un lieu-commun ? Est-ce de ces phrases, périphrases, métaphores, ou aphorismes tout faits, stéréotypés, pour ainsi dire, qui circulent dans le courant de la conversation quotidienne, qui viennent se placer d’eux-mêmes sur les lèvres de l’avocat ou s’offrir à la plume