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déjà que la guerre est déclarée entre le conseil municipal de Paris et M. le préfet de police Andrieux. Le conseil parisien est un maître jaloux qui prétend se servir de ses droits et même des droits qu’il n’a pas, qui entend donner libre carrière à toutes ses fantaisies d’omnipotence et ne souffre pas qu’on lui résiste. M. le préfet Andrieux n’est pas précisément d’un caractère souple et d’une humeur facile ; il a commencé par se soumettre assez diplomatiquement, puis il s’est révolté et il en est même venu à traiter avec quelque dédain les sommations qui lui étaient adressées, les ordres du jour municipaux dirigés contre lui. Bref le conflit n’a pas tardé à devenir fort aigu ; il a pris une te lie vivacité que le conseil municipal a rompu systématiquement toute relation avec M. Andrieux. Il a dès ce moment renvoyé, de parti-pris, tous les dossiers qui lui étaient communiqués pour l’expédition des affaires sans se demander s’il avait le droit d’en agir ainsi au risque de laisser en souffrance les intérêts les plus sérieux. Au fond, cela est bien clair, le conseil municipal a son but, vers lequel il tend depuis longtemps. Il a l’ambition de mettre la main sur la préfecture de police pour la supprimer ou pour l’absorber dans la mairie centrale qu’il rêve ; c’est à l’institution autant qu’à l’homme qu’il fait la guerre avec ses prétentions et ses exigences. Le gouvernement n’est point sans doute absolument désarmé contre cette ambition qui ne tendrait à rien moins qu’à créer un état dans l’état, et il ne tiendrait qu’à lui de se servir des moyens dont il dispose pour ramener le conseil parisien dans la limite de ses pouvoirs tout locaux. Malheureusement, le ministère, avec cette « politique modérée » dont parlait l’autre jour M. le président du conseil, n’a pas de ces hardiesses, et si, dans cet étrange conflit qui se prolonge, il a refusé jusqu’ici de désavouer M. Andrieux, il évite avec soin, d’un autre côté, de se brouiller avec le conseil municipal. C’est précisément pour sortir de là ou peut-être simplement pour avoir l’air de faire quelque chose que M. le ministre de l’intérieur a imaginé cette tardive proposition de loi qui aurait pour conséquence de reconstituer la préfecture de police, en séparant les attributions qui en font une institution d’état et les attributions purement municipales, qui seraient rendues à la ville. En réalité, c’est un expédient de circonstance déjà désavoué par le conseil municipal et même par M. Andrieux, qui n’a point hésité à réclamer énergiquement devant une commission parlementaire le maintien de la préfecture de police dans l’intégrité de ses prérogatives. Ce qu’il y a de plus clair, c’est que ce projet a toute sorte de chances d’aller rejoindre tant d’autres projets sur lesquels le parlement actuel n’aura pas à se prononcer. C’est encore une partie de l’héritage que la chambre léguera à ses successeurs. Elle n’est plus évidemment en état d’aborder une si grosse affaire, et à la vérité ce n’est pas pour elle le moment des affaires sérieuses.

Ou donc est aujourd’hui d’ailleurs la place des questions sérieuses au milieu de ces apprêts de fête qui remplissent déjà Paris, qui font de