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SOUVENIRS LITTÉRAIRES



TROISIÈME PARTIE[1].


V. — L’ÉMANCIPATION.

Au mois d’août 1840, à la fin de l’année scolaire, après avoir terminé ma rhétorique, je quittai le collège, d’où j’emportais peu d’instruction, beaucoup d’idées fausses et une indépendance de caractère développée par la claustration. Louis de Cormenin avait été libre avant moi. Depuis la mort de ma mère, nos familles demeuraient de nouveau dans la même maison ; nous nous retrouvions côte à côte comme aux jours de notre première enfance, et nôtre rêve de vie commune se trouvait en partie réalisé. Deux étages seulement nous séparaient et ils étaient incessamment franchis. Nous habitions alors place de la Madeleine ; l’appartement, de ma grand’mère, dont j’occupais la moitié, était précédé d’un large balcon d’où l’on découvrait le marché aux Fleurs, la rue Royale et la place de la Concorde. C’est là, en plein air, lorsque le temps le permettait, que Louis et moi nous vivions, rêvant, lisant, déclamant des vers et formant toute sorte de projets d’avenir dont la vie nous a démontré l’inanité. Avant d’entrer de plain-pied dans le monde idéal fait de travail, de voyages, de poésie que nous avions entrevu, il me fallait subir les examens de bachelier, auxquels mes études défectueuses m’avaient peu préparé. J’y mis de l’ardeur, et pendant une année je ne

  1. Voyez la Revue du 1er juin et du 1er Juillet.