la Banque a mis gratuitement à la disposition du ministre des finances une avance permanente de 140 millions. On a fait valoir, à l’appui de cette convention, que c’était une sorte de fonds de roulement que le trésor s’était assuré gratuitement. Cette gratuité n’est pas absolue, puisque l’état a renoncé au droit de timbre qu’il percevait sur les billets de la Banque. En outre, il est à peine besoin de faire observer que les 140 millions remis au ministre des finances ont constitué une addition permanente à la circulation fiduciaire dont la Banque est tenue d’assurer la convertibilité ; conformément aux règles ordinairement suivies, ils doivent être représentés dans l’encaisse par 40 ou 50 millions d’espèces métalliques. Le moment où l’abaissement de l’encaisse au-dessous de la proportion normale contraindra la Banque à recourir à des élévations d’escompte se trouvera avancé d’autant ; c’est donc en définitive le commerce français qui paiera, par des élévations anticipées de l’escompte, le loyer des 140 millions que le ministre des finances s’est fait livrer. C’est au même point de vue qu’on peut critiquer l’opération qui a consisté à faire prendre à la Banque pour 80 millions d’obligations du trésor à court terme. La Banque n’avait consacré jusqu’ici à l’acquisition de fonds publics que son capital et ses réserves ; encore quelques économistes rigoureux lui en avaient-ils fait un reproche en soutenant qu’elle devait toujours tenir disponible la totalité de ses ressources. Il semblait établi en règle qu’en dehors de son capital et de ses réserves, la Banque ne devait acquérir que des métaux précieux ou du papier de commerce réalisable dans le délai maximum de trois mois. Les 80 millions que la Banque a remis au trésor en paiement des obligations qu’elle a acquises constituent une nouvelle addition à la circulation fiduciaire ; ils n’ont point pour contre-partie une valeur réalisable à bref délai, ils peuvent donc contribuer encore à contraindre la Banque à élever anticipativement le taux de l’escompte pour ne pas s’exposer à négocier à perte la signature du ministre des finances.
Des esprits inattentifs pourraient trouver ces critiques bien méticuleuses en présence d’une encaisse qui a dépassé 2 milliards, qui n’est pas encore fort éloignée de ce chiffre formidable et qui, en tout cas, représente encore 75 pour 100 de la circulation fiduciaire. C’est qu’ils perdraient de vue la situation particulièrement délicate que la crise monétaire crée à notre grand établissement financier. La Banque de France subit tous les inconvéniens du bi-métallisme, sans bénéficier, pour le moment, d’aucun des avantages qu’elle en a retirés en d’autres occasions. Elle est obligée de recevoir les espèces d’argent qui lui sont données en paiement, et elle ne peut payer avec elles parce que les opérations avec l’étranger ne peuvent se