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dans la première semaine d’octobre, il avait été retiré de la Banque, en quelques jours, 80 millions d’or sur lesquels 42 avaient pris le chemin des États-Unis pour payer nos achats en céréales et en denrées alimentaires ; 15 autres millions avaient été expédiés en Angleterre et avaient sans doute aussi les États-Unis pour destination définitive. La presque totalité du surplus avait également passé la frontière pour payer des achats de fonds étrangers.

Depuis 1877, l’Angleterre, qui vendait peu aux États-Unis et qui en tirait des quantités énormes de céréales et de viandes, s’acquittait en revendant à New-York, avec bénéfice considérable, les fonds fédéraux acquis à vils prix pendant la guerre civile. Les spéculations d’amortissement et de conversions poursuivies avec un si grand succès par le gouvernement américain ont absorbé peu à peu les titrés placés en Europe. A partir de 1880, les capitalistes anglais ont commencé à acheter des actions des canaux et des chemins de fer américains en prévision de l’accroissement de trafic qui devait résulter des exportations des États-Unis pour l’Europe. Ils ont payé avec de l’or ces acquisitions nouvelles, et, le change n’étant pas en notre faveur, une grande partie de cet or venait de France. Nous-mêmes avions acheté à l’Italie et à l’Espagne des quantités de vins hors de toute proportion avec nos achats habituels, et comme ces deux contrées ne sont pas assez riches pour prendre beaucoup de nos produits manufacturés, c’est en espèces que nos acquisitions devaient se solder. Enfin, les émissions de fonds étrangers qui se succédaient continuellement sur la place de Paris avaient toutes pour conséquence des exportations de métaux précieux.

La Banque de France avait donc sujet de craindre que, par l’effet des retraits qui s’opéraient quotidiennement, son or n’allât grossir les encaisses des établissemens étrangers et qu’elle ne se trouvât elle-même bientôt au dépourvu. Si soudaine que son action ait pu paraître, au mois d’octobre, la Banque, en élevant son escompte, recourait au seul moyen logique et efficace de protéger son encaisse. Loin de la blâmer, on serait plutôt tenté de lui reprocher de n’être pas allée assez loin dans cette voie. Les retraits d’or qui l’avaient inquiétée à juste titre n’ont pas tardé à recommencer sous l’empire des mêmes causes. Au 31 décembre 1880, la Banque avait 200 millions d’or de moins qu’en 1879, et comme l’excédent des sorties sur les rentrées d’or avait été à Paris de 234 millions, il est évident que ce sont les rentrées des succursales qui ont comblé le vide.. Il n’est pas besoin de dire que l’or retiré des caisses de Paris avait pris en presque totalité le chemin de l’étranger.

Les exportations d’or ont continué depuis le commencement de 1881, et elles continuent encore. Au mois de février dernier, elles