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— Comme vous êtes pâle, Nellie ! lui dit-il avec bonté ; asseyez-vous là un instant. Seriez-vous malade ?

— Je n’ai pas été bien portante depuis quelque temps, monsieur,

— C’est le travail de l’école qui vous épuise. En tout cas, vous n’aurez pas à le supporter longtemps. On assure que vous vous mariez.

— Ce n’est pas vrai.

— On en parle pourtant ; ce joli garçon qui demeure à l’auberge le laisse supposer.

— Si je pouvais le croire, monsieur, je ne lui adresserais plus la parole de ma vie. Mais non, Sam est incapable d’une pareille lâcheté.

— Vous lui permettez peut-être quelques espérances ?

— Moi ?.. Ne dites pas cela, je vous en prie, monsieur Wilfred.

— Pourquoi vous promener avec lui, en ce cas ?

— Comment aurais-je pu refuser, monsieur, quand il est venu de si loin ?..

— Vous demander en mariage, sans doute ?

— Et après tout ce que mon oncle a fait pour moi ?

Elle fondit en larmes.

— Allons, ne pleurez pas... Je ne voulais pas vous faire pleurer. Seulement vous vous rappelez ce que je vous ai dit la dernière fois que nous nous sommes vus. Hier j’avais envie de casser la tête pommadé e de votre cousin. Il paraissait si bien croire que lui seul avait droit de vous tenir compagnie, et je suis un plus vieil ami que lui pourtant, n’est-ce pas ?

Elle essuya ses larmes et murmura :

— Oui.

— Et vous m’aimez mieux que lui. Dites que vous m’aimez mieux que lui, Nellie.

Elle n’osait lever les yeux et balbutia :

— Oh ! monsieur, c’est si différent ! Le respect...

— Que le diable emporte le respect ! Je veux que vous me disiez si vous m’aimez mieux que ce drôle.

Que pouvait-elle répondre ? Mentir était impossible. Elle fit un signe de tête dont se contenta Wilfred.

— Maintenant jurez que vous ne vous promènerez plus qu’avec moi.

— Non, je ne puis...

— Pourquoi ?.. pourquoi pas avec moi aussi bien qu’avec Sam ?

— Oh ! monsieur, Sam est si violent !.. Attendez au moins qu’il soit parti !

Elle joignait les mains et le regardait avec cette expression enfantine que Wilfred avait toujours trouvée adorable. Sa penchant jusqu’à ce que son visage effleurât presque le sien :