Vos attentions marquées lui feront des ennemies. En agissant ainsi, vous me désolez, car je l’aime et je l’estime.
Hubert sourit et s’efforça d’être plus attentif auprès des demoiselles de province que l’on offrait à son choix, sans y réussir néanmoins d’une façon satisfaisante.
— Le proverbe a raison, pensait sa cousine : on peut mener un cheval à l’eau, on ne peut le forcer à boire.
Elle était décidée cependant à ce qu’il ne s’attardât pas auprès de Nellie.
— C’est, lui répétait-elle, une âme charmante qu’il faut respecter et protéger ; elle a été un instant éblouie par votre ami, le jeune lord byronien, mais elle se remettra, je n’en doute pas, avec le temps, et alors nous la marierons bien à quelque instituteur de campagne, à quelque pasteur de village.
Toute allusion à l’engoûment présumé de Nellie pour Wilfred Athelstone était désagréable à Saint-John, et Mme Goldwin s’en était aperçue.
— Comme vous ajustez nettement la balance sociale ! s’écria-t-il ce jour-là, non sans une nuance d’ironie. Vous voulez que votre protégée s’élève, mais pas trop cependant... Un maître d’école, un pasteur de village, voilà tout ce que vous daignez lui accorder.
— Dans son propre intérêt, mon cousin. Je crois qu’une femme ne gagne rien à épouser un homme placé dans la vie trop au-dessus d’elle. Certainement une pareille union lui procure de l’éclat, un éclat inespéré, mais quant à du bonheur…
— Cela dépend... Si le mari dédaigne sincèrement les conventions sociales en matière de naissance et de fortune, et si la femme possède une distinction native que bien des grandes dames pourraient lui envier, je ne vois pas ce qui s’opposerait à leur entente intime.
— J’espère que nous nous en tenons à de vagues théories et que vous n’auriez garde de vous mettre en scène, mon cher ami, interrompit Mme Goldwin avec une soudaine audace ; autrement, je vous dirais : Vous êtes sur la pente d’une folie, partez sans retard, fuyez le danger.
— Pourquoi ?.. Je m’étais figuré que vous vouliez me marier, Mary ?
— Sincèrement je n’avais pas de meilleur espoir en vous attirant ici, mais vous avez tourné le dos à deux charmantes personnes qui l’une et l’autre vous eussent si bien convenu !
— L’une et l’autre ?.. Nous ne pouvons décidément nous entendre. J’admets, moi, que, lorsqu’un homme a le bonheur de rencontrer la femme, la femme unique qui a en elle le pouvoir de compléter sa vie, aucune considération ne doit l’arrêter...