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IMPRESSIONS DE VOYAGE

TABLEAU


Que de fois je l’ai vu, ce paysage aimé !
Un grand pré, de buissons tout autour enfermé,
Où quelque paysan, farouche et solitaire,
Penche au sol son visage aussi brun que sa terre,
Tandis que le soleil lui faisant ses adieux
Semble mettre à son front un baiser radieux ;
Des bandes de gazon, semé de pâquerettes ;
De vieux murs délabrés et moussus, dont les crêtes
Sont un jardin complet fait pour herboriser ;
Un orme, où les linots, le soir, viennent jaser ;
Derrière un grand rideau d’arbres, le toit qui fume,
Et, dans l’ombre, un ruisseau déjà noyé de brume,
Où des pêcheurs, le long des saules rabougris,
Rangent aux talus verts leurs petits bateaux gris :
Je crois voir, admirant verdure, onde et visages,
Millet, tes paysans, — Corot, tes paysages !


MONTAGNE A VENDRE




Par-devant maître André, de Gap, parfait notaire,
J’ai failli, l’autre jour, être propriétaire
Et maître d’un domaine au prix de vingt louis :
— C’est pour rien ! — j’en plaçais sous tes yeux éblouis