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d’exclusion fulminés contre tous ceux qui ne s’inclinent pas devant l’orthodoxie traditionnelle. Ce n’est pas non plus sans doute le prince Napoléon qui relèvera la cause impériale par ses interventions de prétendant, par les manifestes où il fait retentir ce grand mot : « Autorité, démocratie, suffrage universel ! » Vainement le prince Napoléon se remet en scène, évoque tous les souvenirs, et inscrit dans son programme la révision constitutionnelle « pour obtenir que la voix du peuple se fasse enfin entendre et désigné directement son chef responsable… » Vainement il s’efforce de rallier des partisans : l’armée napoléonienne est plus qu’à demi dispersée ! La crise de décomposition a commencé pour le parti le jour où le prince impérial a disparu, elle continue. Le dernier manifeste napoléonien déguise à peine les progrès de ce désarroi. La vérité est que les bonapartistes comme les royalistes semblent aller aux élections avec des chances singulièrement diminuées, et que, s’ils sont exposés à des défaites, à des désaveux de scrutin, c’est parce que le pays voit en eux, non plus des conservateurs défendant Ses intérêts ou ses traditions, mais des partis représentant des révolutions nouvelles accompagnées de violens conflits dynastiques.

Proposer à des masses électorales, contre un ordre de choses constitué, c’est-à-dire pour une révolution, de se jeter dans l’aventure par un coup de scrutin, sur la foi de coalitions de circonstance, sans savoir ce qui arrivera le lendemain, ce n’est pas une politique ; ce n’est que la continuation d’une vieille tactique, un moyen d’ajouter un chapitre de plus à l’histoire de cette impossibilité de toutes les restaurations qui a refait sans cesse jusqu’ici les affaires de la république. À ce jeu stérile on use des forces qui pourraient être mieux employées, on finit par se débattre dans les contradictions, dans le vide, sans arriver à rien, et c’est ce qui explique comment des partis qui ont pour eux les lumières, l’intelligence, la considération, en viennent à se trouver dans des conditions si inégales vis-à-vis d’adversaires qui n’ont d’autre avantage que de s’appuyer sur une situation légale. Oui, sans doute, les conservateurs ne sont pas pour le moment dans une phase des plus favorables. Les uns se découragent et renoncent à tenter de nouveau le combat électoral ; les autres auront visiblement fort à faire pour enlever quelques succès partiels et limités. Ils retrouveront la fortune un jour ou l’autre dans de nouvelles luttes, ils ne semblent pas l’avoir pour le moment, cela est certain. Le vent n’est pas pour eux, on peut l’admettre ; mais ce serait aussi de la part des républicains une étrange illusion de trop triompher des faiblesses ou des embarras des conservateurs, de se figurer qu’ils ont le champ libre pour toutes leurs fantaisies de domination) que le pays, en votant pour eux, est toujours avec eux. M. Gambetta, qui parle pour les républicains, qui est visiblement le meneur de la campagne