de modération réelle et de prévoyance, un gouvernement sérieux. La France, il est vrai, est censée avoir tout cela, et bien plus encore, avec la « république victorieuse, » avec la « république triomphante : » on le lui dit assez dans les harangues officielles ou quasi officielles. On lui répète assez que « ses ruines sont réparées, » que « ses finances sont refaites, » que « sa grandeur militaire est restaurée ; » on lui parle assez de ce « prodigieux essor de vitalité qui lui a rendu la sympathie et l’admiration du monde ! » La France, au fond, la France qui travaille, qui ne va pas dans les réunions et dans les banquets, sait bien qu’en penser ; à travers toutes les exagérations, elle voit des questions qui la préoccupent, les affaires africaines qui se prolongent, qui nécessitent sans cesse de nouveaux efforts, et si elle se sent toujours vivace, elle ne se laisse pas abuser par de vaines ostentations de langage. Ce qu’elle a surtout le droit d’attendre au moment où on lui demande son vote, c’est qu’on lui parle avec plus de sérieux, qu’on ne se méprenne pas sur ses sentimens, qu’on n’engage pas sa fortune diplomatique, militaire et financière dans des aventures qu’elle verrait avec inquiétude, parce que, si on sait comment elles commencent, on ne sait pas comment elles finissent.
Au milieu de ce bruit des élections, des manifestes et des programmes, il y a eu cependant un jour pour une fête de l’esprit à l’Institut, puis un jour encore pour cette autre fête de la jeunesse intelligente, qui se renouvelle tous les ans à la Sorbonne. Ces réunions aimables, souvent brillantes, ont toujours leur attrait ; elles avaient cette fois comme un intérêt nouveau par le contraste des plaisirs délicats de l’intelligence ou de la bonne grâce de la jeunesse heureuse avec les turbulences électorales. A l’Académie française, c’était la séance annuelle consacrée à la distribution de toute sorte de prix, prix littéraires, prix de morale et de vertu. Le secrétaire perpétuel, M. Camille Doucet, a mis une fois de plus tout son zèle à parler des prix littéraires, des livres couronnés, à expliquer et à justifier les choix de l’Académie. M. Ernest Renan s’est trouvé pour cette année chargé du rapport sur les prix de vertu. Il a eu à raconter tous les actes de dévoûment obscur, d’héroïsme inconnu dont le mérite est d’avoir été accomplis en toute simplicité par de braves gens qui ignoraient assurément l’existence de l’Académie, qui ne savaient pas qu’il y eût pour leur vertu des récompenses instituées autrefois par un honnête philanthrope. Œuvre toujours délicate, un peu ingrate et difficile à rajeunir, que M. Renan a conduite jusqu’au bout avec autant de finesse que d’émotion généreuse, avec ce tact supérieur qui sait tout relever. A la Sorbonne, c’est le chef de l’Université qui a naturellement présidé la distribution des prix aux élèves des lycées. M. le ministre de l’instruction publique a l’avantage d’être complètement satisfait de lui-même, d’être toujours