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faire exécuter les ordres de la chambre. Il y a eu de violentes collisions, des scènes de pugilat. Quand M, Bradlaugh est sorti presque défaillant de Westminster ; il a été accueilli avec enthousiasme par la masse populaire, qui a pris parti pour lui.

Voilà un singulier conflit ! Comment se terminera-t-il ? Il se dénouera sans doute par l’action de l’opinion, avec le temps, comme se dénouent tous les conflits de ce genre dans un pays où ce n’est qu’après bien des années que les juifs, les quakers ont fini par entrer au parlement. Qu’on ne se hâte pas, comme on le fait quelquefois, de prendre en pitié les inconséquence et les lenteurs du libéralisme anglais. C’est ainsi que l’Angleterre est arrivée par degrés à conquérir toutes les libertés, et que, plus heureuse que bien d’autres peuples, elle a su les garder.

Ce qui n’est pas l’œuvre du temps et de la sagesse des peuples est souvent sans durée, et l’Espagne en a plus d’une fois fait l’expérience depuis un demi-siècle. Arrivera-t-elle à se fixer dans l’ordre constitutionnel et modéré qu’elle a retrouvé avec une royauté rajeunie ? C’est une tentative nouvelle qu’elle poursuit. Elle est en ce moment même, comme la France, dans une phase d’élections qui se dénouera des deux côtés, des Pyrénées le même jour, le 21. À vrai dire, le ministère qui est à la tête des affaires depuis cet hiver et dont le premier acte a été de se passer du parlement, le ministère de M. Sagasta, aurait pu moins tarder à faire élire une chambre nouvelle ; il aurait évité ainsi de se trouver dans une sorte d’illégalité on d’irrégularité, faute d’un budget voté avant la fin de l’année financière qui a expiré le mois dernier. Il a voulu sans doute prendre son temps pour mieux préparer ces élections qui vont s’accomplir aujourd’hui, qui, sans être violentes, ne laissent pas d’être animées. À l’heure qu’il est, la lutte est engagée de toutes parts au-delà des Pyrénées. Les libéraux conservateurs qui marchent sous la direction de l’ancien président du conseil, M. Canovas del Castillo, M. Castelar et ses amis les radicaux révolutionnaires qui ont pour chef M. Ruiz Zorilla, M. Martos et ses amis, tous ces partis sont en mouvement. Seuls les fédéralistes ou communalistes, qui ont mis il y a quelques années l’Espagne dans une si belle situation, se sont décidés à s’abstenir. Quant au ministère, il pratique ouvertement comme tous ses prédécesseurs la candidature officielle ; il se sert de tous les moyens administratifs contre ses adversaires, surtout contre les amis de M. Canovas del Castillo, qui sont en effet les plus redoutables pour lui. Quelle sera l’issue de cette lutte électorale ? Le ministère, selon l’usage invariable, aura sans doute sa majorité ; — et il n’en sera peut-être pas plus fort, même devant le parlement qu’il aura fait. Ce serait pour le moment la seule préoccupation au-delà des Pyrénées s’il ne s’était élevé tout récemment une question qui a ému jusqu’à un