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accroupis dans la campagne, se nourrissant de quelques plantes arrachées péniblement à la terre, — ces sortes d’animaux dont l’existence passée paraîtrait toujours douteuse si l’on n’en rencontrait de pareils dans, certaines contrées du monde moderne qui sont en retard non-seulement sur le XVIIe siècle, mais même sur le XVe.

En général, la population de la Judée m’a semblé laide et misérable. A part les Bédouins, qui sont admirables, toutes les autres races ont quelque chose de maladif et d’étiolé. Les bêtes ne sont pas plus vigoureuses que les gens. En Samarie et en Galilée, on trouve çà et là de beaux bestiaux ; en Judée, les bœufs ont tout au plus la taille de nos veaux d’Europe. Ils sont dépourvus de cornes comme en Égypte. On dirait que la dégénérescence que produit le climat oriental se manifeste d’abord chez les bestiaux par la perte de cet attribut important. Les bœufs de l’ancienne Égypte avaient, ainsi qu’on peut s’en convaincre dans les peintures antiques, des cornes magnifiques ; ils n’en ont plus aujourd’hui que des tronçons. Les moutons et les chèvres paraissent beaucoup plus forts. On sait que les moutons syriens sont affublés de queues énormes formées d’une matière graisseuse qui se développe de la manière la plus exubérante; il faut parfois soutenir au moyen de petites brouettes ces pesans appendices. La culture des terres se fait de la façon la plus sommaire : les charrues ne sont, bien souvent, comme au temps des Hébreux, que des branches recourbées. Mais la végétation est si puissante au printemps qu’en dépit de ces procédés agricoles renouvelés des vieux âges, on récolte encore d’abondantes moissons. Syria quoque tenui sulco arat, disait Pline, et malgré cela la Syrie était d’une fertilité merveilleuse. Quoique la Judée en fût peut-être la partie la moins féconde, les Hébreux trouvèrent le moyen d’y faire produire à la terre des richesses abondantes. Il est vrai que l’avidité qu’ils portent aujourd’hui dans le commerce et la banque était dans l’antiquité concentrée tout entière sur l’agriculture. L’esprit commercial des Juifs modernes n’est pas un héritage de leurs pères ; la loi avait tout fait pour l’empêcher de naître chez ceux-ci ; elle avait défendu à l’Hébreu de prendre de son concitoyen des intérêts en argent ou en nature. Suivant les prescriptions de Moïse, les prêts ne devaient être que des aumônes. Aussi les Juifs d’autrefois professaient-ils pour l’usure une horreur profonde. Leur amour ardent du bien de ce monde ne pouvait s’exercer que dans la culture, a Pour nous, dit l’historien Josèphe, nous habitons une contrée qui n’est pas maritime ; nous ne cultivons pas les affaires commerciales, ni les relations qu’elles servent à établir entre les étrangers. Mais nos villes sont situées loin de la mer, et ayant en partage une bonne terre, nous la cultivons avec