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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/218

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remédier. » Dangeau raconte que le conseiller d’état Henri d’Aguesseau, le père du chancelier et le maître des requêtes Le Fèvre d’Ormesson, après avoir été chargés de faire une enquête dans les généralités d’Orléans et de Tours, étaient revenus à Versailles, où « ils représentèrent le véritable état où étoient les provinces. » Le roi, ayant consacré une après-dînée à les entendre, leur ordonna de lui remettre leurs idées par écrit. Telle est l’origine du mémoire dont nous trouvons le texte dans l’appendice. La franchise des tableaux ne le cède en rien à la valeur des remèdes, et le ton de celle pièce fait autant d’honneur aux conseillers d’état qui l’ont écrite qu’au maître qui en a provoqué la rédaction. Ils réclamaient la diminution de certaines taxes pour atteindre le but indispensable, c’est-à-dire la reprise et le développement des relations commerciales.

Les plaintes sur le déclin des entreprises commerciales formaient en effet un concert universel. Les négocians de Paris avaient présenté, en 1685, un mémoire sur le rétablissement du commerce, sur les crises monétaires, l’insuffisance des transports, les souffrances du commerce maritime, les prohibitions de nos produits dans les ports anglais, la lutte commerciale soutenue avec avantage par la Hollande ; l’éditeur a eu soin de mettre sous nos yeux ce cahier de doléances qui forme la contre-partie de tout ce que nous donne le mémoire.

Ainsi ce précieux volume nous offre le résumé le plus complet de ce que souffraient, de ce que pensaient et réclamaient, dans les vingt dernières années du XVIIe siècle, les différentes classes de la population. Grâce à cet ensemble de pièces officielles, à ces morceaux choisis avec discernement et présentés avec une connaissance des moindres détails qui confond l’esprit et satisfait à tout moment notre curiosité, nous pénétrons dans le vrai des choses ; nous ne nous arrêtons pas à cette histoire des batailles dont se contentait jadis l’imagination des lecteurs ; nous poussons plus avant notre investigation ; nous avons su que les guerres de Louis XIV avaient épuisé la France ; en lisant ce volume, nous saurons dans quelle mesure la misère avait envahi le royaume ; nous pénétrerons dans les plus minces détails. Versailles et Marly ne seront plus au premier plan d’un tableau éblouissant nos yeux par l’éclat des lumières et nous empêchant de discerner au travers des ombres le paysan qui souffre, l’habile ouvrier qui émigre, et le marchand ruiné par la taille ; nous verrons désormais à l’aide de chiffres précis, d’états indiscutables, comment était répartie la fortune publique, ce qu’il y avait de terres exemptes et de taillables chargés, quelles étaient les causes de misère incurable que ni l’esprit de justice d’un conseiller d’état, ni la supériorité d’un ministre de génie ne pouvaient guérir. Tout l’ancien régime se dresse et reprend vie dans ce volume