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bataillon de la majorité élue le 21 août, de telle sorte que, sans être précisément modifiée d’une manière sensible dans sa composition, la chambre nouvelle prend par la force des choses, par l’étourdissement du succès, une couleur plus prononcée, plus tranchée. C’est là ce qui apparaît au premier abord. Est-ce à dire que la situation en soit plus claire, qu’elle soit aussi simple, aussi facile qu’on semble le croire ? Elle n’est peut-être que plus obscure, plus compliquée que jamais, et, à parler en toute vérité, ces élections, républicaines dans leur ensemble, décisives en apparence, peuvent n’avoir d’autre résultat que de multiplier les confusions, de préparer des crises nouvelles à la république, d’engager les partis, les hommes qui aspirent à la direction des affaires, dans une voie où l’on ne peut plus ni se retenir, ni se conduire, ni conduire les autres.

Oui, sans doute, au premier aspect, à ne considérer que les résultats sommaires du dernier scrutin, la supputation des votes, ces élections du 21 août peuvent paraître simples. Elles ont achevé ou aggravé ou confirmé la défaite des adversaires de la république et elles ont donné la prépondérance aux républicains ; mais ce qu’elles n’ont pas donné aux vainqueurs du jour en leur assurant des avantages si marqués, c’est l’esprit politique, le respect des minorités, la pondération des idées, le sentiment des conditions essentielles d’un gouvernement sérieux, et c’est là justement ce qui fait le danger de cette situation nouvelle où la victoire même peut être un piège de plus pour la république. On a réussi, c’est entendu, c’est admis. Que fera-t-on maintenant ? Comment va-t-on s’établir dans cette domination conquise ? Quel secret a-t-on pour discipliner cette majorité récemment sortie des élections, pour imprimer un caractère sérieux à ce gouvernement qu’on prétend fonder, dont on parle sans cesse ? Il faut une majorité ! Il faut un gouvernement ! répète-t-on à tout propos. Rien de mieux. Seulement il faut savoir à quel prix ce problème aussi sérieux que délicat peut être résolu. On ne compte pas apparemment réussir en cherchant un point d’appui dans la mobilité des passions ou en s’essayant, tantôt à capter, à retenir les multitudes démagogiques par des programmes retentissans, tantôt à rassurer les instincts conservateurs par dévalues déclarations. A jouer ce jeu, on n’arrive à rien, ou plutôt on finit par se créer une de ces situations équivoques où les hommes qui semblent faits pour le premier rôle s’affaiblissent, pour aboutir un jour ou l’autre à quelque mésaventure comme celle que M. Gambetta a trouvée à Belleville.

Chose curieuse ! M. Gambetta semblait être le grand meneur des élections, l’homme appelé d’avance à profiter du scrutin qui se préparait, à organiser la victoire dont on ne doutait pas, et par un retour de fortune aussi étrange qu’imprévu, il s’est trouvé le candidat le plus meurtri dans le vote du 21 août. Le fait est qu’après avoir eu, à la veille