Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

liberté à cette épreuve de scrutin ; depuis six mois, il n’a eu d’autre préoccupation que d’étendre, de fortifier son influence par les changemens administratifs, par le renouvellement des municipalités, des conseils provinciaux, par tous les moyens qu’aucun cabinet espagnol ne se refuse, — et au jour voulu il a triomphé comme ceux qui l’ont précédé au pouvoir, comme triompheront sans nul doute ceux qui le suivront ! Le cabinet de M. Sagasta a obtenu une immense majorité. Cette majorité, il est vrai, n’est pas d’une cohésion complète, elle se compose de deux groupes qui répondent aux diverses nuances d’opinion représentées dans le cabinet lui-même. Il y a les amis de M. Sagasta et les amis du général Martinez Campos. À côté de cette majorité ministérielle de trois cent cinquante membres au moins, l’opposition des libéraux conservateurs ne compte guère pour le moment que cinquante représentans parmi lesquels sont, à la vérité, l’ancien président du conseil, M. Canovas del Castillo, et l’ancien ministre de l’intérieur, M. Romero Robledo, qui ont été élus dans plusieurs circonscriptions, notamment à Madrid. — M. Castelar et quelques-uns de ses amis ont triomphé dans quelques districts, sans être d’ailleurs combattus par le ministère. Il y aussi parmi les élus un petit groupe de démocrates dynastiques et un autre groupe de républicains radicaux ou révolutionnaires.

Que se passera-t-il dans la nouvelle chambre espagnole ? Évidemment, avec l’immense majorité dont il dispose, le cabinet a le moyen d’obtenir la ratification de tous les actes qu’il a accomplis depuis six mois, même de la perception discrétionnaire des impôts. Il rencontrera devant lui cependant des adversaires redoutables par le talent, par l’expérience des affaires, qui semblent résolus à soutenir énergiquement la lutte, qui peuvent dans certaines circonstances ne pas combattre sans succès sous un chef comme M. Canovas del Castillo. La meilleure preuve que les oppositions peuvent réussir en Espagne sans avoir le nombre, que les majorités ne font pas toujours vivre les ministères, c’est que M. Canovas del Castillo a été renversé il y a huit mois en pleine possession d’une majorité, et que M. Sagasta, alors chef d’une opposition peu nombreuse, a réussi. Ces crises intimes peuvent renaître, elles sont toujours possibles à Madrid ; elles ne se reproduiraient dans tous les cas que lorsque le parlement sera réuni, sous le coup de quelque incident nouveau ou de quelque conflit que le roi Alphonse serait appelé à résoudre par un acte d’autorité souveraine.

Ch. de Mazade.