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aigu, soupçonneux, qui sembla dire aussitôt : — Je ne m’étais pas trompé.

Alors le clerc ouvrit son portefeuille et tendit un papier au notaire en disant :

— Sir R. Bruntson m’ayant fait prier de passer chez lui pour examiner ce projet d’acte de vente du pavillon, j’y suis allé ce soir. Il désire avoir votre avis pour la valeur exacte du domaine. Et il scrutait sur le visage d’André les traces visibles de ses rudes émotions, pendant que celui-ci feignait de lire ; mais il pensait :

— Me serais-je trompé ? C’est bien possible… Je crois que je deviens fou.

Il rendit le papier à Séraphin et se sauva, éprouvant un désir tendre et empressé de retrouver sa femme, de repaître son cœur de cette joie de la revoir après l’avoir crue à jamais perdue.

À la porte extérieure de la chambre Raïssa, dormait étendue sur un coussin : de ce côté, on ne passait pas. Il entra chez lui : son appartement communiquait à celui de sa femme ; mais, de ce côté-là, on ne passait pas davantage, la porte était fermée. Cela n’arrivait jamais qu’à la suite d’une discussion vive, et il n’y avait eu rien entre eux ce jour-là.

Il essaya d’ouvrir, secoua, appela : Alice ne répondit pas.

André, éperdu, pensa :

— Si j’enfonçais la porte !

Mais il connaissait trop les froids dédains et l’inflexible volonté de sa femme pour essayer de s’imposer violemment à elle. Il murmura encore, suppliant :

— Je t’en prie… ouvre-moi.

Rien ne bougea. Il attendit, puis lentement s’éloigna, le cœur gonflé, de la chambre conjugale dont on lui refusait l’entrée, et vint s’abattre tout vêtu sur son lit.

— C’est cruel !… dit-il, étouffant dans son oreiller les larmes qui le suffoquaient. Je suis bien malheureux !

George de Peyrebrune.

(La quatrième partie au prochain n°.)