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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/316

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paix, des relations amicales. C’est à la fin de novembre qu’il vint le trouver. Après lui avoir demandé où en était le mariage du duc d’Anjou avec la princesse de Portugal, il lui fit entendre qu’il avait quelque raison de croire que si le duc se présentait, il serait agréé par Elisabeth. La Mothe-Fénelon répondit que la reine avait toujours déclaré qu’elle ne voulait point se marier, mais que si elle trouvait bon d’épouser le duc, a il en reviendroit plus de conciliation au monde, plus de paix en France et plus de terreur à ses ennemis que de nulle chose qui se pût aujourd’hui mettre en avant. » Il lui promit d’en écrire à Catherine, ce qu’il fit sans perdre de temps.

Le vidame de Chartres et le cardinal de Châtillon se croyaient seuls à négocier ce projet de mariage ; mais il y avait dans la coulisse un troisième intermédiaire, qui à lui seul avait plus de crédit à la cour d’Angleterre qu’eux deux réunis, c’était Guido Cavalcanti, également bien vu de Catherine de Médicis, un de ces rusés Italiens du XVIe siècle qui s’étaient formés à l’école de Machiavel. La Mothe-Fénelon, légèrement indisposé, gardait la chambre depuis quelques jours ; sous prétexte de savoir de ses nouvelles, Cavalcanti vint le visiter, et, faisant tomber la conversation sur le ressentiment si vif que la reine avait éprouvé en apprenant le mariage de l’archiduc Charles, il lui demanda s’il n’entrevoyait pas là une bonne occasion de penser pour elle au duc d’Anjou. La Mothe-Fénelon répondit qu’il ne savait pas dans quelles dispositions pouvait être Catherine, mais qu’elle avait toujours dit que le plus grand parti pour l’un de ses fils, c’était la reine d’Angleterre. Trois jours après, Cavalcanti revint et lui dit qu’il en avait causé avec Leicester, qui avait très bien accueilli ce propos ; mais comme il se disposait à se rendre auprès de la reine à Hampton-Court, il lui avait promis de reprendre cet entretien à son retour. La Mothe-Fénelon crut y voir une invitation d’aller à Hampton-Court. Dès le lendemain, il s’y rendit ; mais avant de se présenter à la reine, il fit une visite à Leicester. Après quelques propos insignifians, il dit qu’un personnage de qualité, qu’il ne pouvait nommer, lui avait fait une ouverture pour le mariage de Monsieur, — c’est ainsi qu’on appelait le duc d’Anjou ; — mais qu’il ne voulait y donner suite qu’après avoir pris son conseil ; le roi et la reine mère le considéraient comme le meilleur ami de la France, et, si ce projet devait réussir, ils ne voulaient le devoir qu’à sa seule influence. Leicester répondit qu’en effet le vidame de Chartres et le cardinal de Châtillon avaient entamé ce propos et parlé du duc d’Anjou dans les meilleurs termes ; que, quant à lui, il avait toujours été opposé à l’alliance avec l’Autriche, quoique en apparence avantageuse à la reine, et