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lui ai dit que si elle prévoyoit une rupture, il seroit mieux de terminer les choses amiablement sans les pousser trop loin. » Elle le promit, mais déjà elle s’était mise du côté du duc d’Anjou et était devenue aussi intraitable que lui sur l’article de la religion. Walsingham, si perspicace d’ordinaire, crut tout au contraire que de Foix emporterait des instructions l’autorisant à céder sur la question religieuse plutôt que de rompre. Il en explique ainsi les motifs : la mésintelligence entre la France et l’Espagne qui s’accentue ; la jalousie entre le roi et le duc d’Anjou parvenue à un état si aigu, qu’il ne se passera pas six mois qu’ils n’en viennent aux mains ; enfin le roi ne se souciant pas d’avoir son frère près de lui et le duc ayant peur d’y rester. « Depuis la mort d’Henri II, ajoutait-il, la reine mère n’a jamais tant pleuré. » Il comptait donc beaucoup sur la mission de de Foix. Aussi engageait-il Cecil à agir auprès d’Elisabeth, afin qu’elle le reçût avec de grands égards. Si par son entremise l’on n’arrivait ni au mariage, ni à une alliance, les affaires des protestans de France lui semblaient comme désespérées, les chefs le lui avaient dit, les larmes aux yeux. Nous ne sommes qu’à une année de distance de la Saint-Barthélémy, et déjà de sinistres pressentimens se faisaient jour.

De Foix allait trouver Elisabeth dans les dispositions les plus favorables. Tout récemment, en envoyant à La Mothe-Fénelon un panier d’abricots de ses jardins, elle lui avait fait dire par Leicester que c’était pour le convaincre que l’Angleterre produisait de beaux fruits. La Mothe avait répondu qu’il n’en doutait pas, mais qu’ils seraient encore plus beaux si l’on se servait de greffes de France. La réception faite à de Foix, ainsi que l’avait demandé Walsingham, fut donc exceptionnelle : le comte d’Oxford et le marquis de Northampton eurent la charge de l’accompagner ; il eut huit audiences de la reine, huit entretiens avec ses conseillers, et pourtant sans aucun résultat appréciable : « En nos conférences, écrivait Cecil à Walsingham, il y a eu autant de changemens et de variations qu’il y a eu de jours. » Elisabeth en explique la cause à son ambassadeur : « Nous n’avons rien fait jusqu’ici, parce que M. de Foix, n’étant pas satisfait de notre réponse, a tenté par toutes sortes de moyens à nous amener à la faire telle qu’il la désire ; il a demandé une tolérance pour la religion, nous l’avons refusée. » Un des articles présentés par de Foix pour régler la situation du duc portait qu’il ne serait pas contraint d’assister à des cérémonies contraires à l’église catholique. Une assez vive discussion s’engagea à ce sujet. Elisabeth, y prenant part, voulait, d’après les conseils de lord Buckurst, substituer à la rédaction de Paul de Foix la rédaction : contraires à la parole de Dieu. C’était ergoter sur des mots ; de guerre lasse.