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spontanée d’évacuer la citadelle de Luxembourg. C’était en effet la solution la plus simple ; une décision spontanée du roi tranchait toutes les difficultés, elle était le gage le plus manifeste du bon vouloir de la Prusse. M. de Bismarck ne l’entendait pas ainsi. « Soit, disait-il ; mais si, comme je le prévois, mes efforts restent infructueux, tout sera compromis, et nous le regretterons d’autant plus que nous touchons au moment où il faudra paraître devant le Reichstag et lui présenter une double solution touchant la question du Luxembourg et du Limbourg. Il faudra que je m’explique et que je prenne des engagemens qui ne me laisseront plus aucune liberté d’action. Il y a donc urgence pour vous comme pour nous, et je ne puis que vous engager à suivre la voie que je vous ai ouverte et qui est, à mon avis, la plus courte et la plus sûre. » Il restait après ce long entretien, qui n’avait porté que sur le Luxembourg, à s’expliquer sur l’alliance, dont les dispositions avaient été libellées par l’ambassadeur et le président du conseil dans les premiers jours de septembre. M. de Bismarck répondait évasivement, se retranchait derrière le caractère du roi et les hésitations de son esprit. Il disait qu’il lui avait fallu, pour le décider à courir les chances d’une guerre contre l’Autriche, plus de quatre années d’efforts incessans, mais il voulait bien reconnaître qu’il ne pouvait exiger de nous une patience aussi persévérante. Il avouait du reste que le roi reculait devant l’idée d’une alliance offensive avec la France, qui l’obligerait à nous prêter le concours de toutes ses forces pour l’acquisition de la Belgique ; mais il estimait qu’il aurait moins de peine à lui faire partager ses vues en lui présentant l’alliance sous une forme purement défensive, qui n’engagerait la Prusse qu’à une neutralité bienveillante dans toutes les éventualités auxquelles pourrait donner lieu notre extension vers le nord. « Sur ce terrain, disait-il, il lui serait facile de faire appel aux sentimens de sa majesté et de l’amener à rendre à l’empereur les services qu’il en avait obtenus pendant la dernière guerre. » — « Je ne suppose pas, disait M. Benedetti en terminant le résumé de cet important entretien, qu’il se joue à Berlin une comédie concertée à l’avance. J’admets la bonne foi du président du conseil et je veux admettre que nous devons le suivre sur le terrain où il se place et continuer les négociations en adhérant à ses combinaisons ; mais ce n’est qu’à la condition de nous tenir sur nos gardes et de nous préparer à toutes les éventualités. »

On a dit souvent que la dépêche était le confessionnal des diplomates. La confession que M. Benedetti envoyait à M. de Moustier était absolue et sans réticences ; elle était écrite au sortir de l’entretien et reproduisait en une vingtaine de pages, avec la fidélité d’une photographie, dans toutes leurs nuances, les paroles échangées.

Il appartenait au gouvernement de l’empereur de décider s’il