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L’observation a bientôt montré que les étoiles filantes du 14 novembre semblent partir d’un même point du ciel, le point radiant, et qu’elles vont en divergeant de tous les côtés : c’est un effet de perspective. Dans un tunnel, on voit toutes les assises parallèles diverger d’un point de vue unique : les lignes de la voûte paraissent monter, celles du sol descendre et les côtés s’écarter horizontalement vers la droite ou la gauche, de sorte que, si elles étaient parcourues par des projectiles lumineux, on les croirait venir du point de vue et s’écarter dans tous les sens. C’est ainsi qu’on explique le remarquable phénomène du point radiant des étoiles filantes, mais c’est un effet complexe provenant à la fois des mouvemens de la terre et de ceux des corpuscules.

Un voyageur en chemin de fer voit passer devant lai les objets immobiles qu’il rencontre et il croit les voir venir de l’endroit vers lequel il marche lui-même. D’autre part, un observateur immobile qui regarde les nuages les voit partir de leur point radiant. Mais s’il arrive que le voyageur qui est en mouvement regarde les nuages qui marchent dans un autre sens., il leur attribue une direction qu’ils n’ont pas et qui est la combinaison de leur vitesse et de la sienne. Faisons maintenant l’application de cette théorie à l’essaim du 14 novembre. S’il était immobile, le point radiant serait dans la constellation vers laquelle marche la terre à ce moment ; or il est ailleurs, les étoiles filantes divergent d’un endroit différent : donc l’essaim marche.

Ainsi ces amas cosmiques sont des courans, des fleuves, des particules matérielles éternellement entraînées dans l’espace comme tous les astres et soumis aux mêmes lois ; chaque grain de matière qui s’y trouve est une petite planète; elle est attirée par le soleil, elle parcourt une orbite elliptique, et les grains qui précèdent ou qui suivent en font autant. Nous voici arrivés à une conclusion absolument sûre et qui est bien merveilleuse. Il faut nous figurer dans le ciel comme une route tracée, comme la piste elliptique d’un champ de course dans laquelle circule à la file la troupe ininterrompue des particules cosmiques d’un même essaim se poursuivant sans s’atteindre, précipitant leur marche au périhélie, la ralentissant à l’aphélie et révélant leur présence par leur combustion dans l’atmosphère au moment qu’ils la rencontrent.

Jusqu’à présent, on ne voit pas quel rapport peut exister entre ces fleuves cosmiques et les comètes : j’y vais arriver. Au 14 novembre 1799, la pluie d’étoiles offrit une richesse extraordinaire : ce fut une averse. On la vit dans toute l’Europe, mais particulièrement en Amérique; Humboldt et Bonpland, qui l’observèrent à Cumana, croyaient assister à un brillant feu d’artifice tiré dans les