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MARCO


TROISIÈME PARTIE[1]


XI.


Le corps de Mme Delange fut mis en terre à côté de celui de son mari. Tout le bourg, profondément impressionné, assistait à cette triste cérémonie. On n’aperçut pas Séraphin : le malheureux cachait son désespoir. Le docteur Galpeau et l’oncle de Marco accompagnaient, soutenaient seuls le pauvre orphelin. Simon, chancelant sur ses vieilles jambes, suivait l’enfant qu’on lui avait confié et le couvrait d’un regard hébété, fou. Ce grand malheur achevait de lui tourner l’esprit, ses propres infortunes ayant commencé l’œuvre.

C’est à grand’peine que Marco lui échappa vers le soir de cette pénible journée : l’étroite surveillance du vieillard l’irritait, l’exaspérait. Sa douleur était violente, et il voulait la ressentir dans toute son acuité sans que rien vînt l’en distraire. Il voulait donner à son âme ce breuvage de fiel afin qu’elle en gardât l’éternel enivrement. Sa détresse lui semblait si lourde qu’il tremblait qu’elle n’abattît son courage, et il se voulait fort, il se voulait invincible.

À la faveur des premières ombres il courut vers cette tombe dont on l’avait trop tôt arraché. Il la trouva bien gardée : Séraphin, couché comme un chien sur la terre couverte des roses blanches de Marine, leva la tête, prêt à gronder. Mais, reconnaissant Marco, il se dressa confus.

Et Marco sanglotant se jeta dans ses bras. Le clerc balbutia pour s’excuser :

  1. Voyez la Revue du 1er et du 15 août.