engagé, nous y sommes pour quelque chose, mais nous aurions tort de faire fond sur sa reconnaissance. On n’en est plus à compter ses ingratitudes.
Non, M. de Bismarck n’ira pas à Canossa; il se tirera d’affaire à moins de frais et à des conditions bien plus douces qu’il n’osait l’espérer. Il pourra se dispenser de transiger sur les principes et ne se laissera pas réduire à la cruelle extrémité d’abolir les fameuses lois de mai. Il se contentera de les réviser ou il obtiendra de son parlement des pleins pouvoirs, pour en adoucir l’application, pour laisser tomber en désuétude les articles les plus décriés et les plus gênans. Les lois dormiront, mais en cas de besoin ou d’incident fâcheux, on pourra les réveiller. Le 20 avril de l’an dernier, le chancelier écrivait au prince de Reuss qu’il ne consentirait jamais à se laisser désarmer : «Il est bon, disait-il, qu’une épée oblige l’autre à demeurer dans le fourreau. » Il ne signera pas non plus un concordat, dont on se soucie à Rome aussi peu qu’à Berlin ; on s’en tiendra à un arrangement quasi-concordataire, à un régime fondé sur une entente diplomatique. Il avait toujours soutenu qu’il appartient à l’état seul de régler, comme il lui convient, ses rapports avec l’église et de tracer à son gré les frontières du temporel et du spirituel. Sur ce point, il se ravise, il consent à traiter, à négocier avec le Vatican, à l’interroger, à consulter ses convenances. C’est la suprême concession qu’il ait faite, et il se chargera de trouver les termes d’un modus vivendi dont tout le monde puisse s’accommoder. En retour des complaisances qu’on aura pour lui, il rétablira son ambassade auprès du saint-siège et le budget du culte catholique, il condamnera au repos et au silence sa haute cour ecclésiastique, il exemptera les séminaristes du service militaire, il réduira l’examen d’état à une pure formalité, et d’un accord commun on rendra des évêques aux diocèses, qui en manquaient, des curés et des desservans aux nombreuses paroisses qui avaient perdu leur berger. L’église s’en trouvera bien ; tout fait croire que M. de Bismarck s’en trouvera mieux encore.
Les journalistes et les écrivains officieux s’efforcent de démontrer aujourd’hui que M. de Bismarck n’a jamais changé de système ni de conduite, que, lorsqu’il portait à l’église les coups les plus terribles, il ne nourrissait aucun sentiment hostile, aucune animosité à l’égard du catholicisme, et qu’au fort même de la lutte, il s’occupait déjà de préparer la réconciliation et la paix. Il est permis de n’en rien croire. Si grand homme dictât qu’on soit, on n’est pas infaillible, et les plus habiles politiques pourraient écrire l’histoire de leurs illusions. Il est tout naturel qu’au lendemain de Sedan, M. de Bismarck ait connu l’enivrement du triomphe, qu’il ait trop attendu de ses forces, trop présumé de son omnipotence. Il a pu s’imaginer quelles catholiques allemands, devenus désormais plus Allemands que catholiques, étaient