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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/861

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a donné un tableau de ces âges tels que l’examen des grands mammifères les lui fait entrevoir. D’abord vient l’âge du forest-bed de Cromer, que distingue surtout l’éléphant antique et le rhinocéros « à narines minces, » auxquels sont associés le bœuf primitif (Bos primigenus), le cheval et un hippopotame qui diffère peu de celui d’Afrique. Cependant l’éléphant méridional et le mammouth ne sont pas absens de cette première formation. Il en résulte que cette période, au moins dans le canton d’Angleterre où il est permis de l’observer, a dû se prolonger sans interruption bien sensible depuis la fin du pliocène jusqu’à l’arrivée du mammouth inclusivement. Le professeur du Muséum place ensuite l’âge du boulder-clay, qui correspond à la plus grande extension des glaciers. Sans s’expliquer ici sur la complexité de cette assise de déjections glaciaires étudiée de si près par M. Geikie, on peut admettre qu’elle est caractérisée par la présence exclusive du mammouth et du rhinocéros « à narines cloisonnées » (Rh. tichorinus), qui, dans le nord au moins, ont remplacé définitivement leurs congénères de l’âge précédent. Mais comme les instrumens du type de Saint-Acheul se rencontrent dans les graviers en contact avec les deux éléphans soit à Paris, soit en Angleterre, il s’ensuit que la race qui les a fabriqués a vécu pendant les âges que ces pachydermes ont successivement caractérisés.

Il est en même temps probable, d’après tous les indices réunis, tirés surtout de la présence et de la multiplication des éléphans, des rhinocéros, des hippopotames, de l’homme lui-même, choisissant de préférence le nord et l’Angleterre pour séjour, que le climat n’avait alors rien de rude, que la végétation était luxuriante et la température modérée.

C’est en cela que réside, remarquons-le, le trait principal de cette première race. Elle ne se tient pas renfermée au sein des cavernes, où ses traces sont à peu près inconnues; c’est au fond des graviers et le long des fleuves, dans les vallées ouvertes, au milieu de pays fertiles et arrosés qu’on en observe des vestiges. Elle vit à l’air, n’ayant rien à redouter des grands mammifères, comme les éléphans, les bœufs et les chevaux ; elle se mêle plutôt à eux, elle les suit, fréquentant les grèves, les prairies et la lisière des bois. Sans doute, cette race que la température favorise, vit de pêche et de chasse, probablement aussi de fruits. La multitude des instrumens épars dans les graviers annonce qu’elle est relativement nombreuse ; elle occupe toutes les plaines de l’Europe occidentale, du Norfolk au centre de l’Espagne. Elle a laissé des traces de son industrie jusqu’à Charbonnière (Saône-et-Loire), mais pas plus loin. Venue par le nord, en remontant la vallée du Danube et avant la plus grande extension glaciaire, comme nous l’avons dit, elle ne pénètre pas dans la vallée du Rhône, obstruée