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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/898

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français : « Il a de la plume dans le cerveau. » L’amiral Coligny fonde sur lui de grandes espérances et a des raisons de croire qu’il ne sera pas difficile de le ramener à la vérité. »

En prenant un mois de délai pour donner une réponse, Elisabeth s’attendait dans l’intervalle à quelque belle offre pour la faire passer sur la disproportion de l’âge ; si elle n’avait osé le dire ouvertement, c’était Calais qu’elle désirait qu’on mît dans la corbeille. « Nous ne pouvons nous résoudre à ce mariage, écrivait-elle à Walsingham, s’il n’est accompagné de grands avantages qui puissent contre-balancer les ridicules jugemens qu’on pourrait en porter. En matière de mariage, on ne doit rien regarder à tant qu’à se contenter mutuellement, et comme il n’y a rien là qui puisse nous donner à cet égard une pleine satisfaction, ni peut-être au duc d’Alençon, à cause de l’âge que nous avons de plus que lui, nous ne voyons pas que nous puissions nous convenir, pas plus l’un que l’autre. » Cependant elle insinue à la fin de sa lettre qu’une entrevue pourrait bien peut-être faciliter les choses. Walsingham, se conformant à son désir, vint trouver Montmorency, qui lui fit obtenir une audience pour le lendemain. Walsingham ayant abordé sans préambule la question de l’entrevue, Catherine répondit que, si elle était assurée du succès, elle y consentirait volontiers ; mais, les entrevues des princes amenant souvent de graves mécomptes, elle se voyait contrainte de refuser, tout en appuyant sur le véritable amour de son fils pour la reine.

La négociation restant ainsi en suspens, le duc d’Alençon eut la pensée d’envoyer en Angleterre un homme à lui, et pour cette mission de confiance il choisit La Môle, son plus intime confident. Charles IX et Catherine, venant d’apprendre que l’empereur Maximilien pensait à son fils cadet pour Elisabeth, donnèrent leur assentiment au départ de La Môle. « C’est un provincial, écrivit Walsingham à Cecil, et de grand mérite. » Le maréchal de Montmorency ajouta : « Il est de mes intimes amis. » Coligny le recommanda non moins chaleureusement à Cecil.

C’est sous ces excellens auspices que La Môle arriva le 29 juillet à Londres ; Elisabeth, se préparant à son voyage habituel dans les provinces, lui fit annoncer qu’elle ne le recevrait que dans quelques jours. Il ne la vit que le 7 août. À cette première audience, elle le trouva si agréable, si engageant, que sa réponse s’en ressentit ; elle lui dit que, si le duc se rendait à son appel et que le mariage ne s’en suivît pas, elle prendrait pour elle la moitié de la honte. En demandant l’entrevue, elle n’avait voulu que s’assurer si elle était vraiment aimée du duc. La Mothe-Fénelon lui répondit « qu’elle savait bien que, belle comme elle l’était, elle n’avait rien à redouter d’une entrevue, qu’elle paraissait de neuf ans plus