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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/128

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églises et qu’on ne tolérait que parce qu’elle tirait peu à conséquence, n’a rien d’original. C’est bien à tort qu’on a vu dans ces essais timides le principe d’un art nouveau. L’expression y est faible ; l’idée chrétienne tout k fait absente ; la physionomie générale indécise. Le dessin n’est pas mauvais ; on sent des artistes qui ont reçu une assez bonne éducation d’atelier ; l’exécution est bien supérieure, en tout cas, à celle qu’on trouve dans la vraie peinture chrétienne, qui naît plus tard. Mais quelle différence dans l’expression ! Chez les artistes du VIIe du VIIIe siècle, on sent un puissant effort pour introduire dans les scènes représentées un sentiment nouveau ; les moyens matériels leur manquent tout à fait. Les artistes des catacombes, au contraire, sont des peintres du genre pompéien, convertis pour des motifs parfaitement étrangers à l’art, et qui appliquent leur savoir-faire à ce que comportent les lieux austères qu’ils décorent.

L’histoire évangélique ne fut traitée par les premiers peintres chrétiens que partiellement et tardivement. C’est ici surtout que l’origine gnostique de ces images se voit avec évidence. La vie de Jésus que présentent les anciennes peintures chrétiennes est exactement celle que se figuraient les gnostiques et les docètes, c’est-à-dire que la Passion n’y figure pas. Du prétoire à la résurrection, tous les détails sont supprimés, le Christ, dans cet ordre d’idées, n’ayant pas pu souffrir en réalité. On se débarrassait ainsi de l’ignominie de la croix, grand scandale pour les païens. À cette époque, ce sont les païens qui montrent par dérision le dieu des chrétiens comme crucifié ; les chrétiens se défendent presque d’un dogme aussi compromettant. En représentant un crucifix, on eût craint de provoquer les blasphèmes des ennemis et de paraître abonder dans leur sens.

L’art chrétien était né hérétique ; il en garda longtemps la trace ; l’iconographie chrétienne se dégagea lentement des préjugés au milieu desquels elle était née. Elle n’en sortit que pour subir la domination des apocryphes, eux-mêmes plus ou moins nés sous une influence gnostique. De là une situation longtemps fausse. Jusqu’en plein moyen âge, des conciles, des docteurs autorisés condamnent l’art ; l’art, de son côté, même rangé à l’orthodoxie, se permet d’étranges licences. Ses sujets favoris sont empruntés, pour la plupart, à des livres condamnés, si bien que les représentations forcent les portes de l’église, quand le livre qui les explique en est depuis longtemps expulsé. En Occident, au XIIe siècle, l’art s’émancipe tout à fait ; mais il n’en est pas de même dans le christianisme oriental. L’église grecque et les églises orientales ne triomphent jamais complètement de cette antipathie pour les images qui