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capitale. C’était bien là, malheureusement, la main de fer qu’il fallait pour gouverner les Romains. Sixte IV le comprit cent années avant son illustre homonyme, Sixte V, franciscain comme lui et non moins implacable.

Quels encouragemens les représentans des idées nouvelles étaient-ils en droit d’espérer de la part d’un souverain qui remettait en honneur les plus odieuses maximes du moyen âge ? Quelle place les jouissances intellectuelles pouvaient-elles trouver dans cet esprit rongé par une ambition exécrable ? L’anxiété fut vive, mais elle ne fut pas longue. Sixte n’eût-il pas possédé l’intelligence si vive qui le distinguait, il lui eût été difficile, pour ne pas dire impossible, de se désintéresser d’une cause pour laquelle les autres princes italiens se passionnaient à un si haut degré, de se soustraire à des influences auxquelles l’Europe entière commençait à sacrifier. Parmi les papes de la renaissance, deux seulement ont eu la prétention de remonter le courant, et ce n’étaient pas des Italiens : l’un, Calixte III Borgia, avait pour patrie l’Espagne ; l’autre, Adrien VI, les Flandres. Ces barbares, ces iconoclastes, régnèrent heureusement assez peu pour ne pas voir éclater les haines qui s’étaient amassées contre eux. Plus soucieux des intérêts de sa gloire, Sixte résolut de se placer à la tête du mouvement ; il mit au service de la cause nouvelle ses rares facultés d’organisateur, se posa, lui un des plus insignes fauteurs du népotisme, en protecteur désintéressé des lettres et des arts, construisit, à côté de la chapelle Sixtine, la bibliothèque du Vatican, imprima la plus vive impulsion à l’université romaine, et, par ses grands travaux d’édilité, fit de sa capitale la première ville moderne. La passion de la gloire a été sans contredit le point de départ de cet éblouissant programme. La tentation était très grande, pour un homme arrivé vieux au pouvoir souverain et privé de descendance, de s’occuper lui-même de perpétuer son souvenir par de splendides fondations. Mais il n’est pas moins certain aussi que l’ancien général des franciscains finit par se passionner ardemment pour son œuvre. On ferait injure aux grands ambitieux de la renaissance, à ces organisations si riches et si ondoyantes, en les croyant uniquement guidés par des calculs égoïstes. A l’exception peut-être de César Borgia, ils se sont tous épris de l’amour le plus vif pour ces fondations scientifiques et littéraires.qui, aux yeux de la critique moderne, paraissent avant tout des moyens de propagande. Chez Cosme de Médicis et chez ses descendans, chez les d’Este, les Gonzague, les Malatesta, les Sforza, chez Alexandre VI même, le diplomate est toujours doublé d’un amateur délicat, enthousiaste.

Le nouveau pape participait de ces grâces d’état. On le croit tout entier à la politique, et voilà qu’il montre vis-à-vis des belles