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nent de s’accomplir en Allemagne et le voyage que le roi d’Italie vient de faire à l’empereur d’Autriche à Vienne.

Les élections allemandes s’achèvent à peine, et si confus qu’en soient encore les résultats, la composition du nouveau Reichstag ne semble pas de voir répondre complètement aux vœux de M. de Bismarck. Les adversaires de la politique du chancelier paraissent avoir obtenu des avantages sensibles surtout dans les villes, où les progressistes, les libéraux dissidens et même les socialistes ont obtenu des succès. Si M. de Bismarck veut une majorité pour l’exécution de ses plans économiques et financiers, il aura besoin de la conquérir, et dès ce moment on peut distinguer que le centre catholique, qui garde toute sa force, qui revient nombreux au Reichstag, est en mesure de traiter avec le chancelier au sujet de la réforme des lois religieuses et du rétablissement définitif des relations de l’empire avec le Vatican. Le chancelier a toujours, il est vrai, la ressource de dissoudre de nouveau le Reichstag si cela lui convient, et il ne cache pas qu’il saura se servir de l’arme qu’il a dans ses mains ; mais ce n’est là qu’un expédient peu sûr, et il n’est point impossible que la menace seule suffise à tempérer l’ardeur d’opposition qui pourrait se manifester. Dans tous les cas, si le caractère général des élections dans la plus grande partie de l’Allemagne reste encore incertain, il est une contrée où les résultats ne sont ni douteux ni équivoques : c’est l’Alsace-Lorraine. Là, dans ces malheureuses provinces que la France ne peut oublier et qui n’oublient pas la France, le vote est aussi clair que saisissant. Le système de répression ou de compression inauguré depuis quelques années et poussé à outrance dans ces derniers temps par l’administration du statthalter, M. de Manteuffel n’a peut-être pas peu contribué à ce résultat en dissipant toutes les illusions. Toujours est-il que ce qui restait d’autonomisme a disparu et que la « protestation » a triomphé partout, en Alsace comme en Lorraine. En Alsace, la lutte électorale a été particulièrement tranchée sur deux points. A Strasbourg, sous l’inspiration de M. de Manteuffel lui-même, on avait essayé d’opposer à M. Kablé un candidat qu’on avait choisi de façon à séduire les catholiques, le coadjuteur M. Stumpf ; la tactique n’a pas réussi. Les catholiques ne se sont pas laissé gagner, quoiqu’on eût mis une certaine habileté à éviter de combattre dans d’autres collèges des candidats ecclésiastiques, M. Simonis, M. Winterer, M. Guerber. A Colmar, on a voulu opposer à M. Charles Grad un Alsacien rallié, conseiller à la cour d’appel, pour lequel l’administration a usé et abusé de tous les moyens de pression dont elle dispose. A Colmar comme à Strasbourg, comme partout en Alsace et en Lorraine, le succès à peine contesté, universel des candidats de la protestation atteste la vivace, la calme et touchante résistance du sentiment populaire. Et voilà le résultat de dix années d’annexion passant sur un pays qui peut donner sa soumission