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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/363

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nouvelles, il ne soit presque plus possible de découvrir quelque trace du passé. Il faut donc prévenir les amis de l’antiquité qui voudraient faire une excursion dans la Grande-Grèce à la suite de M. Lenormant qu’ils n’y rencontreront pas précisément tout ce qu’ils souhaiteraient y trouver. De l’antique Tarente il ne reste que le nom : la nouvelle ville n’a pas même gardé un pan de mur de l’ancienne. Héraclée, Sybaris, ont si bien disparu qu’on discute pour savoir où elles étaient situées. L’emplacement de Métaponte n’est connu avec certitude que depuis les fouilles heureuses qu’y a pratiquées le duc de Luynes. Cotrone, qui a remplacé l’antique Crotone, est une ville toute neuve. Du temple célèbre de Junon Lacinienne, qui s’élevait sur un promontoire voisin, nous n’avons plus qu’une colonne, une seule, mais digne de tous nos respects, car il est probable qu’elle a vu passer auprès d’elle Pythagore et Hannibal. Il est vrai, que si les monumens antiques ont presque tous disparu, s’il ne reste rien des grandes cités qui peuplaient autrefois ce beau pays, le pays lui-même existe toujours et, en l’absence d’autres documens, l’aspect des lieux aide beaucoup à comprendre les événemens dont ils ont été le théâtre. M. Lenormant nous dit que, lorsqu’il a relu les récits des anciens auteurs sur l’emplacement des villes dont ils nous parlent, les hommes et les choses du passé se sont ranimés pour lui. C’est ainsi qu’il a pu rendre quelque vie à cette vieille histoire que l’on ne connaît guère et qui mérite pourtant d’être connue.


II

Le grand intérêt qu’elle a pour nous, c’est qu’elle est un chapitre de celle de la Grèce. Les Grecs, qui avaient beaucoup de peine à subsister sur leur maigre territoire, le quittaient assez volontiers pour aller vivre ailleurs. Il est naturel que l’Italie méridionale les ait d’abord attirés. Ils en étaient si voisins, et les deux contrées ont tant de ressemblance entre elles, qu’ils ne devaient pas s’y trouver trop dépaysés. M. Lenormant fait remarquer que les premiers colons qui débarquèrent sur les côtes du golfe de Tarente ont dû se croire encore chez eux. « L’aspect des lieux, la nature de la végétation, l’intensité de la lumière, tout y rappelle la Grèce. Les eaux du golfe, par les temps de calme, prennent cette teinte laiteuse propre aux mers grecques et que les Hellènes ont si bien exprimée par le mot de galênê. L’azur du ciel revêt cette couleur tellement intense qu’elle donne l’impression d’une voûte de saphir solide, d’où est née la conception d’un firmament qui a dominé l’astronomie pendant tant de siècles » Pour y être moins étrangers encore et s’y trouver plus à l’aise, les Grecs imaginèrent que leurs aïeux avaient habité déjà