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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/407

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pour résultats les formes des objets, mais celle des résultats mêmes. Or, pour que la liaison des choses « puisse être considérée comme constante, il ne suffit pas évidemment que le mouvement continue à obéir aux mêmes lois : car le rôle de ces lois se borne à subordonner chaque mouvement à un précédent et ne s’étend pas jusqu’à coordonner entre elles plusieurs séries de mouvemens… La loi des causes finales est donc un élément, et même l’élément caractéristique, du principe de l’induction[1]. » — Telle est l’idée essentielle sur laquelle repose toute la thèse de M. Lachelier. A vrai dire, nous craignons que cette idée, quelque spécieuse qu’elle paraisse, ne soit en réalité ruineuse. La loi des causes efficientes, ou, si l’on préfère, celle de raison suffisante, est assez pour expliquer la persistance, l’identité, l’uniformité. En effet, par cela même que rien ne se produit ou ne s’anéantit sans une raison ou sans une cause, il suffit que quelque chose soit et nous soit donné dans l’expérience pour que nous attendions a priori la persistance et l’identité de cette chose. Supposer sans raison que ce qui est va cesser d’être, c’est supposer sans raison l’intervention de quelque nouvelle cause destructrice ou plutôt modificatrice ; donc le fait, une fois existant, subsiste pour nous tant que nous ne sommes pas autorisés à faire intervenir une autre cause qui le modifie. Nous croyons tellement à la persistance que, même sous le changement, nous la cherchons encore, en cherchant dans ce qui était déjà implicitement la cause de ce qui se manifeste explicitement. La persistance de la force et la persistance du mouvement sont donc des déductions ou plutôt des traductions diverses du principe de causalité. Ce qui est difficile à expliquer et ce qui nous étonne, ce n’est pas la persistance et l’identité, c’est le changement, que nous essayons pour cela même de subordonner à l’identité en l’expliquant par quelque cause.

Quant à l’induction, que M. Lachelier veut fonder sur les causes finales et l’esthétique, elle se réduit à l’attente des mêmes effets nécessaires en l’absence de causes modificatrices à nous connues ; attente à la fois mécanique et rationnelle, fondée sur l’identité des raisons. Un mouvement a lieu, donc il a une raison d’être, puisqu’il est ; d’autre part, il n’a aucune raison à moi connue de ne pas être ; donc je m’attends à ce qu’il continue d’être jusqu’à ce que l’expérience vienne m’apprendre l’intervention d’une cause nouvelle. Tout mouvement dans une direction suppose, au point de vue mécanique, un excédent de force chez le mobile par rapport aux résistances extérieures ; cet excédent, ne pouvant s’anéantir, est cause d’un nouveau mouvement dans la même direction. De là les théorèmes

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