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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/484

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plus ou moins judicieuse, et l’on pouvait espérer que la liquidation de fin octobre s’effectuerait dans des conditions telles que toute inquiétude fût dissipée.

A la surprise générale, les prix des reports ont été presque aussi élevés les 2 et 3 novembre qu’ils l’avaient été pour les valeurs le 16 octobre. Bien plus, alors que l’on supposait les rentes à l’abri de toute surprise, à raison de la longue immobilité de leurs cours, on a vu le report atteindre 70 centimes sur le 3 pour 100.

La spéculation à la hausse cette fois a passé outre, et c’est par un mouvement général de progression qu’elle a traduit son impression sur les incidens auxquels venait de donner lieu la liquidation des rentes et des valeurs. Il lui a paru que la tension des reports avait eu quelque chose de factice, au moins sur les fonds publics, et, tout en tenant compte du sérieux avertissement qui venait de lui être donné pour la seconde fois, elle a refusé de se montrer effrayée. Deux jours après la fin de la liquidation, elle avait pris son parti et adopté une nouvelle ligne de conduite. Cette campagne de hausse, que la situation de la place ne permettait plus d’entreprendre sur les valeurs, il fallait l’engager sur les rentes en s’emparant du prétexte que fournissait tout à point la politique.

De là le double mouvement de la quinzaine écoulée, l’avance considérable du 5 pour 100 et du 3 pour 100, et le recul de presque toutes les valeurs. Les rentes ont avancé de près de 2 francs ; il est vrai que de cette plus-value il convient de déduire le prix moyen du report. Il faut ajouter que les capitaux de placement ont eu peu de part dans ce revirement soudain opéré en faveur des rentes : les négociations au comptant ne sont pas devenues plus actives et les cours sur ce marché spécial sont restés constamment plus éloignés de ceux du terme que ne le comporte l’écart normal du report.

Les motifs qui ont déterminé la spéculation à se porter sur les rentes sont surtout d’ordre politique. Mais il est probable que l’intervention de la haute banque, dont on a beaucoup parlé, ne se fût pas produite si la situation générale du marché monétaire eût été aussi menaçante qu’il y a un mois. Il s’est manifesté de ce côté une amélioration incontestable et il semble que tout danger de voir la question de l’or troubler de nouveau les places de Londres et de Paris avant la fin de l’année soit désormais écartée. L’or rentre dans les caisses des deux banques d’Angleterre et de France, et il ne s’exporte plus de ce métal en quantité importante aux États-Unis. L’élévation du taux de l’escompte à 5 pour 100 a produit à cet égard son plein effet. La réapparition des consolidés au-dessus du par n’a pas nui non plus à notre 3 pour 100, dont l’établissement rapide aux environs du cours de 90 francs, au cas où la conversion du 5 pour 100 serait décidée, ne fait doute pour personne.