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même année, légitimait l’enfant qui devait devenir un jour Robert le Magnifique, le sauveur de Rome et le vainqueur du duc de Calabre. Sigismond, veuf depuis trois années de Geneviève d’Este, fille du marquis de Ferrare, épousait en deuxièmes noces Polyxène Sforza, la fille du duc de Milan (1443). Le premier mariage lui avait donné l’appui de la maison d’Este ; en contractant le second, il voulait s’assurer l’alliance du duc de Milan. Il était entendu que ces liens légitimes n’engageaient que les femmes ; dès 1444, Malatesta donnait à son Isotta des preuves publiques de son attachement. Sous les yeux de la Sforza, à sa place dans sa tribune, aux luttes et aux tournois, il ne porte d’autre devise que celle de sa maîtresse, « la Rose d’Isotta, » connue dans la numismatique italienne. Il enlace son chiffre au sien, c’est le signe de son cachet, on le retrouve jusque sur les armures des chevaux de ses compagnies, aux murs des monumens, aux frises des autels, au fronton des églises ; et il déclare dès lors publiquement que sa destinée est liée à celle de son amante. En 1446, il fait frapper les médailles qui sont dans toutes les collections ; en 1450 enfin, du vivant même de la Sforza, il consacre à Isotta une chapelle dans le temple qu’il fait élever ; on y reproduit son image sous les traits de l’archange saint Michel, et tandis qu’on cherche vainement aujourd’hui la simple dalle qui recouvre les restes de ses deux premières femmes, on voit se dresser orgueilleux, au mur de la chapelle, le superbe tombeau d’Isotta porté sur les éléphans de l’écusson des Malatesta et se détachant sur le grand manteau d’hermine couronné du cimier des seigneurs de Rimini, avec cette inscription : D.ISOTTÆ.ARIMINENSI.SACRUM.MIIIIL.

Nous avons vu qu’en 1454 elle pressait son amant, devenu veuf de sa seconde femme, de contracter le vrai mariage ; en 1457, c’est-à-dire deux années après, au lieu de Isotta Ariminensis, ou Ixotta Acti de Actis [dei Atti), nous lisons dans un acte d’état civil tiré de l’archive des pères ermites de San-Agostino de Rimini, cette qualification nouvelle : Domina Isotta de Malatestis. — La fille des Atti a atteint le but de ses espérances : elle n’était que favorite, elle est montée sur le trône de Rimini.

Par un passage de la lettre citée plus haut nous apprenons qu’elle avait donné depuis longtemps des héritiers à Sigismond ; elle parle d’abord de son petit Malatesta (il s’appelait Sallustio), elle ajoute plus loin : « Tous nos fils et filles se portent bien. » Sigismond avait profité de la faveur passagère dont il jouissait auprès de Nicolas V à la suite d’une victoire qu’il avait remportée, pour faire légitimer tous ses enfans naturels. La bulle est datée du 30 juin 1450. Or la Sforza était morte le 1er juin de la même année, de sorte que le complaisant pontife avait à peine attendu que les cendres de la seconde femme fussent refroidies pour légitimer les fruits de la