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l’après-midi, au moment où une colonne péruvienne manœuvrait pour changer de position, une batterie de montagne placée au centre de la ligne chilienne ouvrit le feu sur elle. Contrairement aux ordres de ses chefs, cette dernière riposta par un feu d’artillerie et de mousqueterie, et en peu d’instans l’action devint générale. L’artillerie péruvienne concentra son feu sur les hauteurs, mais les pièces chiliennes, bien servies et mieux pointées, ripostaient avec vigueur. Sur les ordres du général Buendia, on forma une puissante colonne d’attaque. Dissimulée derrière un repli de terrain, elle devait, à un signal donné, franchir rapidement l’espace découvert qui la séparait du pied des hauteurs, là, reprendre haleine et se lancer à l’assaut des mamelons. Ce mouvement s’exécuta avec ensemble. L’artillerie péruvienne redouble de violence, puis brusquement cesse son feu. Les troupes parcourent avec élan l’espace découvert, et momentanément abrités contre les projectiles des Chiliens, se forment en colonnes d’assaut. Rapidement elles gravissent les pentes, accueillies à mi-côte par un feu plongeant qui troue leurs rangs, mais ne ralentit pas leur marche. Déjà elles touchent aux batteries ; encore un effort, et le camp chilien est emporté. A si courte distance, l’artillerie devient impuissante, on lutte corps à corps. À ce moment, le colonel Sotomayor fait avancer sa dernière réserve, les bataillons de Copiapo et de Coquimbo, recrutés parmi les mineurs de ces localités, hommes solides et vigoureux, endurcis aux fatigues, habitués à lutter contre les Indiens, et à ne pas compter leurs ennemis. Sans tirer un coup de feu, ils marchent la baïonnette en avant, rejettent les assaillans sur les pentes qu’ils descendent eux-mêmes emportés par un irrésistible élan et viennent foncer sur les masses profondes de l’armée péruvienne. Trois fois ramenés en arrière, ils reviennent trois fois à l’attaque. Pour les contenir, l’artillerie péruvienne rouvre le feu, mais dans cette mêlée confuse ses projectiles font plus de mal à ses propres troupes qu’aux Chiliens. Assaillis sur leur front par les bataillons de Copiapo et de Coquimbo, qui s’efforcent de s’ouvrir un passage, sur l’arrière par un feu d’artillerie qui les déconcerte, les bataillons péruviens hésitent. Le colonel Sotomayor dirige contre eux un feu nourri et une nouvelle charge à la baïonnette.

Voyant le sort de la journée compromis, le général Buendia ramène à lui son aile droite. Tenue en respect par une batterie de canons Krupp postée sur la hauteur, elle n’avait pu tenter l’assaut de ce côté. Le général péruvien lui donne l’ordre de se porter sur la gauche et de soutenir le choc des bataillons de Copiapo et de Coquimbo. L’arrivée de ces troupes fraîches peut ramener la victoire. Devant ce nouveau danger le colonel Sotomayor n’hésite pas. Dégarnissant, les pentes que menaçait l’aile droite de Buendia, il fait