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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/669

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bataille, il n’était pas encore arrivé. Ni lui ni ses officiers n’avaient prévu les difficultés de la marche dans ces déserts, où l’eau faisait défaut, où les routes tracées manquaient, où les chariots de l’artillerie enfonçaient dans un sable épais dont la poussière alcaline aveuglait les animaux. Le 16 novembre, il se trouvait seulement un peu au sud du fleuve Camarones, à 18 lieues au nord de Dolores, dont le séparait un désert semblable à celui qu’il venait de franchir. Le général Daza calcula qu’il lui serait impossible d’arriver au jour dit. Découragé et rebuté par les difficultés de la route, doutant du succès, il fit halte. Il ne se dissimulait pas que, s’il était battu, c’en était fait de son pouvoir présidentiel. Il savait qu’à La Paz, capitale de la Bolivie, ses compétiteurs et ses ennemis n’attendaient qu’une occasion favorable pour le renverser et mettaient son absence à profit pour conspirer contre lui. D’autre part, il était irrité de la jactance des officiers péruviens qui, au moment de son départ d’Arica, affirmaient bien haut que Buendia suffirait seul à mettre en fuite l’armée chilienne. Entre le pouvoir suprême et le succès de la campagne Daza n’hésita pas. Il donna ordre à son corps d’armée de camper et télégraphia au général Prado, président du Pérou, les difficultés qu’il éprouvait à pousser plus avant.

Resté à Arica, le général Prado partageait toutes les illusions de son état-major. Il ne doutait pas que Buendia, à la tête de 12,000 hommes de bonnes troupes, n’eût facilement raison de 5,000 Chiliens. Se souciant peu de partager avec son collègue bolivien l’éclat d’un triomphe assuré, il lui fit dire qu’il l’approuvait de ne pas s’engager plus avant et que, d’ailleurs, en sa qualité de général en chef, il avait dorme l’ordre à Buendia d’attaquer sans attendre l’arrivée de Daza. Il l’invitait donc à laisser reposer ses troupes et à pousser en avant quelques reconnaissances qui l’aviseraient de la retraite des troupes chiliennes, auxquelles il pourrait barrer le passage et dont il achèverait la déroute. Ces instructions s’accordaient trop bien avec les désirs du général Daza pour qu’il hésitât à s’y conformer, mais quand ses troupes comprirent le rôle auquel elles étaient condamnées, le mécontentement le plus vif éclata dans leurs rangs. On alla jusqu’à parler de destituer et de fusiller comme traître à la Bolivie le président accusé hautement de lâcheté. Daza réussit à calmer l’explosion. A la tête de quelques corps de cavalerie légère, il se porta en avant de son campement et, le 20, il entendait à distance le grondement de l’artillerie péruvienne qui ouvrait le feu contre les hauteurs de Dolores. Des blessés lui apprirent la défaite essuyée et, en toute hâte, il se replia avec ses troupes sur Arica.

Les premiers fuyards qui apportèrent à Iquique les nouvelles du combat furent accueillis avec une incrédulité railleuse. D’heure en