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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/685

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Voyant l’inutilité de sa canonnade, le général Baquenado ordonna de ralentir le feu et se décida à lancer ses troupes à l’assaut. Trois divisions de 2,000 hommes chacune se portèrent en avant ; une autre restant en arrière constituait une première réserve, qui devait se diriger sur le point où son concours serait nécessaire ; elle était elle-même soutenue par une seconde réserve qui donnerait en dernière ressource.

À midi, les colonnes s’ébranlèrent, et le feu s’ouvrit sur toute la ligne. Telle fut l’impétuosité de l’attaque chilienne que les premières lignes alliées enfoncées se replièrent en désordre et qu’un commencement de panique éclata dans les rangs. Campero ordonna à ses bataillons campés en arrière de faire feu sur les fugitifs. Se mettant à leur tête, il les entraîne en avant, brise l’élan des colonnes chiliennes et les rejette sur le glacis. Deux bataillons chiliens qui les suivaient tentent en vain de rallier les fugitifs ; écrasés eux-mêmes par le feu de l’ennemi qui couronne les crêtes, ils plient et lâchent pied. Baquedano voit le danger et fait avancer sa première réserve qui escalade les pentes au pas de charge. La lutte s’engage corps à corps, l’artillerie et les mitrailleuses se rapprochent, échangeant leurs bordées à courte distance. Campero soutient avec vigueur cette nouvelle attaque, on se dispute le terrain pied à pied, mais la ténacité des Chiliens l’emporte lentement. Peu à peu ils refoulent leurs adversaires, qui combattent à découvert et qu’écrasent les batteries Krupp, éteignant le feu de leur artillerie. À deux heures, l’armée alliée faiblit, l’infanterie chilienne s’empare des hauteurs. Baquedano fait avancer sa seconde réserve, dont la vue seule décourage les derniers combattans ralliés autour de Campero. À trois heures, l’armée alliée vaincue se replie sur Tacna. Campero veut y tenter un dernier effort, mais cet effort dépasse les forces de ses troupes. Les Péruviens battent en retraite sons les ordres de Montero et se dirigent sur Puno. Campero, à la tête des débris de l’armée bolivienne, prend la route de La Paz.

La bataille de Tacna coûtait aux alliés 2,800 hommes de leurs meilleures troupes et 2,500 prisonniers, dont un général, dix colonels et nombre d’officiers. Les Chiliens laissaient sur le terrain le quart de leur effectif engagé, soit 2,128 hommes dont 23 officiers tués. Le lendemain, l’armée chilienne victorieuse occupait Tacna. Tout le sud du Pérou depuis Moquega était en son pouvoir. Arica menacé ne pouvait résister à l’attaque combinée de la flotte et de l’armée. Le 7 juin, elle capitulait. Le Chili, vainqueur sur terre et sur mer, allait diriger sur Lima ses bataillons victorieux et chercher cette fois à frapper son ennemi au cœur.


C. DE VARIGNY.